Télétravail: les négociations entre syndicats et patronat débutent sous tension

L'objectif du Medef est "de permettre une mise en oeuvre réussie du télétravail dans les entreprises" - AFP
Les organisations patronales et syndicales entament des négociations sur le télétravail qui s'annoncent difficiles en raison des divergences profondes entre les deux parties sur le sujet.
Ce rendez-vous avait été fixé dès le 22 septembre, bien avant l'allocution du président de la République du 28 octobre, invitant les entreprises à recourir massivement au travail à distance pour tous les salariés qui le peuvent. La deuxième réunion est programmée le 23 novembre, et d'autres pourraient suivre.
Un agenda social arraché au forceps au patronat
Cet agenda social avait été arraché au forceps au patronat par les syndicats, qui réclament une négociation en vue d'un accord national interprofessionnel (ANI) sur le télétravail depuis le printemps, lorsque cinq millions de salariés se sont retrouvés du jour au lendemain à travailler à leur domicile.
Les discussions risquent donc d'être tendues ce mardi, où les négociateurs vont se retrouver à partir de 09H00 en visioconférence, Covid-19 oblige.
Longtemps, le Medef a refusé toute négociation, considérant le "corpus de règles et de normes juridiques parfaitement applicables". Et, contrairement aux syndicats, le patronat veut que le futur accord, s'il y en a un, ne soit "ni normatif", "ni prescriptif", c'est-à-dire pas contraignant.
Hubert Mongon, le négociateur du Medef, a expliqué cette position par "la diversité des situations: 5 millions de salariés, 5 millions de situations différentes".
Le patronat veut aboutir à un guide de bonnes pratiques
Les autres organisations patronales sont sur la même ligne. La négociation qui débute entre partenaires sociaux doit aboutir "à un guide de bonnes pratiques, afin que chaque employeur puisse s'emparer du télétravail avec une marge de manoeuvre au plus près de sa situation", suggère Michel Picon (U2P).
De son côté, Eric Chevée, de la CPME, est ouvert à "un guide ou un accord cadre". Surtout, la CPME souhaite que la négociation porte sur le télétravail "en situation d'urgence" (sanitaire, environnementale, accident industriel), "pour que les entreprises ne soient pas prises de court comme aujourd'hui".
En revanche, il n'a "pas la même appétence" pour revoir les règles encadrant le télétravail en situation "normale".
CFTC : "nous ne signerons pas n'importe quel accord"
Du côté des syndicats de salariés, l'envie d'aboutir à un accord "contraignant" sur le télétravail est affichée. "Nous allons à la négociation pour avoir un accord prescriptif et normatif", répond Jean-François Foucard (CFE-CGC).
"Je ne vois pas pourquoi il faut dissocier télétravail en situation de crise et télétravail classique. Nous ne signerons pas n'importe quel accord", prévient Eric Courpotin (CFTC), qui juge "inévitable un accord prescriptif et normatif dans le contexte actuel".
"La CFDT demande (...) qu'on se quitte quand on a bouclé cette négociation", a insisté vendredi Laurent Berger (CFDT). "On ne va pas prendre un mois et demi ou deux mois dans cette période de télétravail massif pour se mettre d'accord", prévient-il.
Quelle prise en charge des frais liés au télétravail?
Parmi les sujets sur la table, les syndicats souhaitent aborder la charge de travail, le droit à la déconnexion, la prise en charge des frais liés au télétravail, les personnes en situation de handicap ou encore l'égalité femmes/hommes.
Côté patronal, les attentes portent sur le volontariat, la réversibilité du télétravail, l'anticipation de sa mise en place, la diversité des lieux de travail (coworking, tiers lieux), la formation des manageurs et les pratiques managériales, l'intégration des nouveaux collaborateurs.
Actuellement, le cadre légal sur le télétravail repose en partie sur l'ANI (accord national interprofessionnel) de 2005, qui notamment lui donne une définition, pose le principe du volontariat.
Il a été partiellement transposé dans la loi de simplification de 2012. Les ordonnances réformant le Code du travail de 2017 simplifient le recours au télétravail, mais "reviennent aussi sur certains acquis" de 2005, comme la prise en charge des frais, selon les syndicats