Un 31e membre dans l’Otan: la Finlande face à la Russie

Jamais une adhésion à l'Otan n'avait abouti aussi rapidement. La Finlande a soumis sa candidature auprès de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord trois mois après l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Le processus n’aura donc même pas pris une année.
Helsinki y a mis une détermination particulière. L’ancien Premier ministre libéral finlandais Alexander Stubb ne rate jamais l’occasion de reprendre tout interlocuteur qui s’aventure à évoquer une quelconque neutralité historique de son pays: "Non, la Finlande n’est pas un Etat neutre. C’est un malentendu que je dois toujours corriger. Nous avions choisi notre voie en 1994, avec l’adhésion à l’Union européenne et le partenariat avec l’OTAN."
Mais il n’y a pas que cet empressement à nier un précédent non-alignement militaire qui puisse expliquer une adhésion aussi accélérée. Le 31e membre partage 1340 kilomètres de frontière terrestre avec la Russie, ce qui signifie que l’étendue de zone de contact de l’ensemble de l’Alliance atlantique double aujourd’hui. L’organisation va alors être amenée à réviser son argumentaire extérieur, établi en 2016, visant à déconstruire "le premier mythe d’une Otan qui tenterait d’encercler la Russie". Il y était placé en introduction que "moins d’un seizième de la longueur totale des frontières russes bordent des pays membres".
Une réserve de 870.000 personnes
Le secrétaire général de l’Alliance atlantique a considéré avec d’autant plus d’intérêt cette arrivée aux portes du territoire russe que Helsinki n’a pas baissé la garde après la chute de l’URSS. Cet Etat a veillé à ne jamais oublier l’invasion éclair de 1939 par les forces soviétiques, ce qui l’a toujours incité à maintenir coûte que coûte une forme de conscription: sa réserve est susceptible de mobiliser demain 870.000 personnes en tout.
Jens Stoltenberg a insisté sur le fait que la Finlande est "l’un des rares pays qui alors n’a pas réduit ses investissements" dans ses capacités militaires, y compris en termes de préparation. Il estime que l’apport s’avère substantiel, en relevant que les Finlandais ont commandé massivement des F-35: plus de 60 exemplaires de cet avion de combat dit de 5e génération construit par l’américain Lockheed-Martin.
Sécuriser la Baltique
Minna Alander, de l’Institut finlandais d’affaires internationales, citée par VoA, explique aussi que son pays dispose de 1500 systèmes d’artillerie déployés, l’une des plus importantes capacités d’Europe dans ce domaine, d’après cette experte, autour d’un effort permanent dans la défense aérienne. Vu par l’Otan, cette solide armée va pouvoir aussi fournir une contribution essentielle pour sécuriser l’accès à la mer Baltique vers l’Estonie, membre de l’alliance depuis 2004, qui se trouve à une soixantaine de kilomètres.
La télévision publique finlandaise, quant à la signification de son adhésion, rappelle qu’elle s’accompagne avant tout de la clause de solidarité prévue à l’article 5 du traité de l’Alliance: un engagement de principe à défendre tout autre Etat membre en cas d’attaque. Pour l’heure, le gouvernement finlandais sortant n’a pas requis de sa nouvelle alliance un renforcement des moyens communs le long de sa frontière avec la Russie.
Accès aux aérodromes finlandais
Moscou, de son côté, a annoncé ce lundi son intention d’augmenter les siens près de cette nouvelle limite terrestre avec l’Otan. Pour l’analyste stratégique Nikita Lipunov à Moscou, un spécialiste de la Scandinavie cité par RIA Novosti, les Etats-Unis peuvent maintenant accéder à l’ensemble de l’infrastructure militaire de ce "voisin direct", notamment ses aérodromes.
La diplomatie russe multiplie en conséquence les mises en garde, à l’image de celle de son ambassade en Suède qui sur un réseau social écrit que "les nouveaux membres du bloc hostile deviendront une cible légitime de mesures de représailles", visant aussi en cela la Suède censée devenir, d’ici à cet été, le 32e membre.