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L'Allemagne donne son feu vert: l'UE devrait prêter à Kiev les avoirs russes gelés et se remboursera quand Moscou reconstruira l'Ukraine

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Dans une tribune publiée par le Financial Times, Friederich Merz appelle à "envoyer un signal clair" à Vladimir Poutine et exhorte l’Union européenne à "cesser d’improviser" pour "définir son propre programme" plutôt que de rester dans la réaction face au Kremlin.

Après trois ans de débats tendus, l’Europe pourrait franchir un cap décisif: pour la première fois, Berlin se dit favorable à l’utilisation des avoirs russes gelés afin de financer l’aide à l’Ukraine. C'est un revirement majeur pour Berlin. Le chancelier allemand Friedrich Merz, longtemps réticent, plaide désormais pour transformer ce levier financier en instrument de soutien militaire et budgétaire.

Le mécanisme envisagé repose sur la création d’un prêt de près de 140 milliards d’euros, garanti d’abord par les États membres avant d’être intégré dans le prochain cadre financier pluriannuel de l’UE à partir de 2028.

La particularité de ce dispositif: il ne s’agit pas de confisquer les avoirs russes, mais de les mobiliser. Les 140 milliards seraient prêtés à l'Ukraine, et le remboursement ne serait exigé qu’une fois que la Russie aura indemnisé Kiev pour les destructions causées par la guerre. Une acrobatie intellectuelle qui permet de contourner la question d'une "confiscation" des avoirs russes, qui continue de crisper plusieurs chanceleries européennes.

Contourner les blocages

Pour éviter tout veto, le chancelier allemand suggère que la décision puisse être validée à une "large majorité" des États membres, et non à l’unanimité. L’objectif est de neutraliser tout risque de blocage de la Hongrie, systématiquement opposée aux mesures jugées "hostiles" envers Moscou.

Autre subtilité: les fonds mobilisés devraient être strictement limités à l’achat d’équipements militaires, et ne pas servir à combler le budget général de l’Ukraine.

Un cadre juridique précis et contraignant, pour contourner les problèmes juridiques et financiers soulevés par la mobilisation des fonds russes, et qui sera discuté lors du Conseil européen fin octobre.

Washington se désengage, l’Europe prend le relais

Ce revirement allemand intervient dans un contexte de désengagement progressif des États-Unis. Alors que Washington réduit son soutien financier à Kiev et hésite à renforcer ses sanctions contre Moscou, Merz estime que l’Europe doit désormais assumer un rôle moteur.

L'Ukraine a plus que jamais besoin de soutien financier: le coût quotidien du maintien des opérations militaires ukrainiennes est évalué à près de 150 millions d’euros, soit plus de 50 milliards par an.

Face aux récentes incursions russes sur le sol européen, pour les européens il s'agit aussi d'une réaction politique.

"C'est le moment d'utiliser un instrument efficace qui perturbera le jeu cynique du président russe, destiné à gagner du temps pour éviter toute négociation", affirme le chancelier dans son texte.

Pour l’Union européenne, le débat ne porte plus seulement sur la faisabilité juridique ou financière, mais sur la capacité à établir une stratégie autonome face à la Russie et à sécuriser l’avenir de l’Ukraine.

Annalisa Cappellini