Réforme des retraites: que risquent les syndicalistes qui coupent le courant pour protester?

La CGT Énergie a décrété ce jeudi "journée de la sobriété énergétique". Des employés occupent des centrales de production d'électricité un peu partout en France, notamment à Saint-Ouen où les salariés ont notamment coupé le courant au Stade de France.
Depuis quelques jours ces coupures de courant se multiplient en protestation à la réforme des retraites. De la permanence du président du Sénat Gérard Larcher dans les Yvelines à la ville d'Annonay en Ardèche la commune du ministre du Travail Olivier Dussopt en passant par des territoires dans le Pas-de-Calais, le centre de Lyon, des préfectures du sud ouest comme à Albi ou Périgueux… Au total ce sont plusieurs milliers de résidents qui ont été touchés par ces délestages qui ne durent en général pas plus de deux heures.
Des actions qui pourraient même s'amplifier. Sébastien Menesplier, le secrétaire général de la CGT Mines-Énergies, a prévenu que des coupures ciblées, des baisses de production d'électricité et des occupations de site devraient se multiplier ces prochaines semaines. Selon le syndicat, ce type d'action ne serait pas illégal.
De 1500 à 30.000 euros d'amende
Un point de vue que ne partagent pas les juristes spécialistes de droit social qui pointent deux types de menaces pour les auteurs de ces coupures. Des sanctions disciplinaires et pénales.
Sur le volet disciplinaire, les salariés qu’ils soient employés par le distributeur Enedis ou le gestionnaire de réseau RTE s’exposent à un licenciement pour "faute grave". Mais ils encourent aussi des poursuites pénales.
L’article R323-37 du Code de l’énergie punit en effet d’une contravention de 5ème classe, soit 1500 euros, "toute personne non autorisée par le gestionnaire du réseau qui manœuvre un élément ou actionne un dispositif sur le réseau."
Toute la question de l'interprétation juridique est de savoir si les salariés concernés peuvent être considérés comme "non autorisée par le gestionnaire du réseau".
Mais les sanctions peuvent être encore plus lourdes si les auteurs sont accusés de dégradation. Un délit pour lequel le code pénal prévoit jusqu’à deux ans de prison et 30.000 euros d’amende. A priori, aucune dégradation n'aurait été constatée sur les installations.
Enedis a en tout cas annoncé qu’ils avaient déposé des plaintes comme ils le font à chaque fois que des "coupures sauvages" sont signalées.
Des auteurs difficilement identifiables
Mais dans les faits, les auteurs sont très rarement sanctionnés. La difficulté pour la Justice est d’identifier les auteurs qui agissent généralement cagoulées et évitent les caméras de vidéosurveillance.
La controverse peut aussi porter sur la définition de ces actes. Les coupures sont-elles rattachables au droit de grève ou en sont-elles exclues? Sur ce point la justice semble avoir tranché. En 2006 par exemple, la cour d’appel de Versailles avait confirmé la condamnation de la CGT à une peine d’amende pour des "coupures sauvages" de gaz et d’électricité remontant en 1998.
Reste enfin la question du mode opératoire qui peut avoir une influence sur la sanction potentielle. Le 28 février dernier, quatre salariés de RTE ont ainsi comparu devant la Tribunal correctionnel de Paris sur des motifs d'"entrave, sabotage et introduction frauduleuse de données" dans le système informatique du gestionnaire de réseau électrique.
Dans le contexte d'un mouvement de grève à l'été dernier, ces salariés avaient interrompu depuis un ordinateur les communications entre le centre de pilotage parisien et 14 postes en région. Ce qui avait donné suite à une enquête de la DGSI qui les soupçonnait de cyberattaque. Ils encourent jusqu'à 15 ans de prison avec ce chef d'accusation.
