Reforme des retraites: Elisabeth Borne s'est-elle pris les pieds dans le tapis de la surcote?

Elisabeth Borne à l'Assemblée nationale le 14 février 2023 - BERTRAND GUAY / AFP
"Avec cette réforme, il n'y aura pas de perdants". La petite phrase du ministre du Travail Olivier Dussopt n'est pas passée inaperçue. Invitée ce lundi sur le plateau de C à vous sur France 5, la Première ministre Elisabeth Borne n'a pas vraiment démenti le ministre de son gouvernement mais a évidemment reconnu que la réforme demanderait à un certain nombre de Français de faire des efforts.
"On ne va pas vous dire qu'il n'y a pas des gens qui vont travailler davantage pour assurer l'avenir de notre système de retraites par répartition, a rappelé Elisabeth Borne.
Interrogée sur un cas spécifique, la Première ministre s'est en revanche peut-être un peu avancée sur les bénéfices et les contreparties de sa réforme.
Salarié dans le tourisme, Pascal, 60 ans, indique dans l'émission avoir commencé à travailler à 16 ans et donc bénéficier du dispositif carrière longue. Aujourd'hui il peut partir à la retraite à 60 ans. Ce que ne changera pas la réforme comme le montre le tableau ci-dessous.

En revanche, le sexagénaire soulève la question de la surcote. Plutôt que de prendre sa retraite dès cette année comme la loi le lui autorise, il a opté pour rester deux ans de plus au travail.
"Actuellement, je peux partir en retraite, sauf que j’avais prévu, vu le montant de ma retraite, de rester deux ans de plus pour avoir une légère surcote, indique-t-il. Et maintenant pour l’avoir, je serai obligé de travailler jusqu’à 64 ans, ce qui fait quatre ans de plus."
Il serait donc un perdant de la réforme puisque sa pension sera inférieure à ce qu'il espérait avec le report de la surcote.
"Cette personne pourra toujours liquider sa retraite à taux plein à 60 ans et donc bénéficier d’une surcote au-delà d’un âge qui n’est pas bougé, affirme pourtant la Première ministre. [...] L'âge de départ ne change pas pour lui et donc l'âge auquel il peut avoir une surcote non plus."
Cette dernière affirmation semble être en contradiction avec la réforme présentée par Elisabeth Borne elle-même.
Introduite en 2004 pour renforcer les incitations financières au recul de l'âge de départ en retraite, la surcote accorde un bonus aux seniors qui décideraient de poursuivre leur activité au-delà de l'âge légal de départ et qui auraient validé tous leurs trimestres.
Chaque nouveau trimestre accompli au-delà de l'âge légal (fixé aujourd'hui à 62 ans) gonfle ainsi de 1,25% la pension que touchera le futur retraité, soit 5% pour une année supplémentaire et ce jusqu'à l'âge de 67 ans qui est l'âge de la fin des décotes et surcotes. Donc en travaillant 5 ans de plus, un salarié peut espérer toucher une pension 25% supérieure une fois à la retraite.
Or cette surcote dépend de l'âge légal de départ. Les droits ne sont déclenchés qu'une fois qu'on a passé l'âge de 62 ans (aujourd'hui) et 64 ans (demain si la réforme est promulguée).
Revenons donc à Pascal. En tant que bénéficiaire du dispositif "carrières longues", il peut donc effectivement prendre sa retraite à 60 ans et bénéficier du taux plein s'il a ses trimestres de cotisation.
En revanche, s'il décide de poursuivre son activité, ses années en plus de lui donneront aucun droit à surcote avant l'âge de 64 ans. Il devra donc attendre au moins encore quatre ans et un trimestre pour espérer bénéficier d'une pension revalorisée de 1,25%, cinq ans pour avoir 5%, six ans pour avoir 10% et sept ans pour avoir 15%, soit deux ans de plus dans chacun des cas.
S'il décide de partir à la retraite à 62 ou 63 ans, Pascal aura donc travaillé deux ou trois ans au-delà de l'âge légal sans bénéfice financier.
