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Pourquoi le prix du beurre flambe (à nouveau)

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Une production peu valorisée, une demande mondiale qui croît, une année peu favorable pour l'agriculture... Le prix du beurre s'envole pour les professionnels depuis quelques mois.

+33% la tonne en trois mois. Depuis quelques mois c'est à nouveau la flambée des prix pour le beurre. Sur le marché Eurex des matières premières, la tonne de beurre qui s'échangeait à 4600 euros la tonne en octobre dernier s'apprête à franchir la barre des 6000 euros. S'il n'atteint pas encore les niveaux records de la crise du beurre de 2017 (près de 7000 euros la tonne), les professionnels ont des difficultés croissantes pour s'approvisionner à des tarifs raisonnables.

"Cela a commençé déjà il y a un mois ou deux, on a de très grosses hausses. Le beurre prenait 50 centimes par semaine. On s'aperçoit que ça va faire comme il y a trois ou quatre ans, on va arriver avec du beurre à 10 euros le kilo", s'inquiète ainsi Dominique Anract, président de la Confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie française sur franceinfo.

Dans certaines boulangeries, les prix de la traditionnelle galette des rois sont plus élevés en ce début d'année, de l'ordre de 50 centimes à 1 euro selon la taille de la galette.

"Je tiens à la qualité des produits que j’utilise pour faire mes galettes, donc j’achète du beurre AOP, explique un boulanger de Rennes au site Actu.fr. L’an dernier, je m’en sortais pour 7,20 euros le kilo. Cette année, il est passé à 9,30 euros (soit près de 25% d’augmentation), ça devient compliqué de suivre."

Les industriels assurent dans L'Opinion qu'ils ne manquent pas de stock pour le moment.

Pour l'heure donc pas de pénurie de beurre à proprement parler mais plutôt une pénurie de beurre à un prix abordable.

La production de beurre peu valorisée

Une situation qui s'explique par des problèmes structurels de la filière ainsi qu'une conjoncture défavorable.

En effet face à une demande en constante augmentation, la production française de beurre a tendance à stagner. Le pays produit 420.000 tonnes de beurres contre 400.000 tonnes en 2017 lors de la précédente crise. Une augmentation trop faible pour suivre la demande croissante en provenance notamment d'Asie. La Chine a ainsi augmenté de 20% ses importations de beurre en 2021 sur un an. Le pays exporte en effet environ un quart de sa production et en importe 200.000 en provenance de l'UE pour fournir les professionnels.

"Le beurre n'a pas été à la hauteur de la production depuis des années on importait du beurre de l'Union Européenne, il faut reproduire plus de produits laitiers français", explique sur BFMTV Yohann Barbe, responsable syndical de la Fédération nationale des producteurs de lait.

Si la France ne produit pas assez de beurre c'est que son process de fabrication est très peu valorisée. Concrètement, pour produire 45 kg du beurre, les producteurs utilisent une tonne de lait dont ils extraient la crème. Le reste est constitué de poudre de lait (90 kg) et de babeurre (principalement de l'eau) qui sont des produits très peu valorisés sur les marchés.

Le fromage plus que le beurre

La filière privilégie les segments plus valorisés comme le fromage et notamment ceux qui entrent dans la fabrication de plats préparés comme la mozzarella, l'emmental et le cheddar. Ainsi 30% de la production laitière en France finit en ingrédients sur les pizzas et hamburgers vendus dans les commerces et les restaurants.

Le second problème est conjoncturel. Le printemps 2021 a été pluvieux et froid et le fourrage a été de moins bonne qualité. Résultat: les vaches ont produit moins de lait et la production a baissé de 1% sur l'ensemble de l'année. Une phénomène qui a touché l'ensemble de l'Europe avec une baisse de près de 2% de la production de matière grasse laitière selon le centre national des produits laitiers (Cniel).

Par ailleurs, avec la différentes crises du lait, la production agricole souffre en France et les exploitations ont de plus en plus de mal à retrouver preneurs. Ainsi, le pays a perdu un quart de million de vaches laitières ces quatre dernières années.

Tous ces éléments expliquent la tension sur les stocks de lait dont les prix augmentent à mesure que leurs volumes diminuent. Si la Français ne devraient pas connaître de pénuries dans les semaines qui viennent, le beurre en rayon risque en revanche de coûter plus cher.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco