Pourquoi le parquet national antiterroriste enquête sur le groupe français Castel

Une bouteille de bière Mocaf, société appartenant au groupe Castel. - BARBARA DEBOUT / AFP
Le parquet national antiterroriste (PNAT) enquête sur le groupe français Castel, propriétaire des magasins Nicolas et géant mondial du vin et de la bière, à la suite du rapport d'une ONG lui reprochant d'avoir payé des milices rebelles en Centrafrique, rapporte vendredi France Inter, faisant suite à une enquête du Monde publiée l'an dernier.
Le groupe Castel est très présent en Afrique, où il possède quelque 240 filiales dans une cinquantaine de pays. Outre la bière et les sodas, le groupe y exerce également des activités agro-industrielles, principalement dans le sucre et la farine, via sa filiale Somdiaa.
L'ONG américaine The Sentry avait publié en août 2021 un rapport l'accusant d'avoir financé des milices armées "responsables d'atrocités de masse" lors de la guerre civile en Centrafrique "pour protéger ses parts de marché".
"Arrangement sécuritaire"
Selon l'organisation, la sucrerie Sucaf RFA, propriété de Somdiaa, et donc de Castel, aurait négocié fin 2014 "un arrangement sécuritaire avec un groupe armé" nommé '’Unité pour la paix en Centrafrique (UPC) afin de "sécuriser l’usine et les champs de canne à sucre" et "garantir la libre circulation sur les axes routiers clés".
La sucrerie aurait également obtenu le soutien du groupe armé pour "protéger le monopole de la société sur la distribution du sucre dans plusieurs préfectures du pays, notamment par la saisie forcée du sucre de contrebande", avançait The Sentry.
Cet accord, qui se serait concrétisé par "des paiements directs et indirects en espèces, ainsi que par un soutien en nature sous forme d’entretien des véhicules et de fourniture de carburant", se serait poursuivi "jusqu’en mars 2021", affirmait l'ONG américaine dans son rapport.
Selon l'organisation, citant les Nations unies, les milices de l'UPC auraient commis "des massacres, des enlèvements, des actes de torture, le recrutement d’enfants soldats ainsi que des violences sexuelles", notamment envers des femmes et des enfants.
Castel conteste les accusations
Le groupe Castel a réfuté les accusations de l'ONG américaine. Mais le parquet national antiterroriste a décidé de se saisir de l'affaire et d'ouvrir une enquête préliminaire pour des soupçons de complicité de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, rapporte France Inter.
Les gendarmes de l’Office central de lutte contre les crimes contre l’humanité (OCLCH) enquêtent notamment sur la possible aide matérielle et logistique aux milices armées. La société Sucaf a été liquidée en juin 2022 par le conseil d'administration de Somdiaa.
Le groupe Castel a dénoncé "des accusations à charge et non corroborées" auprès de France Inter.