Plus de 3.100 dollars l'once d'or: c'est quoi cette once, l'unité de mesure des cours mondiaux originaire de la ville de Troyes?

L'once d'or qui ne pèse que 31 grammes a dépassé les 3100 dollars. - Pixabay
Plus de 3.100 dollars pour l'or. Le métal précieux bat record sur record et ce n'est pas près de s'arrêter.
Si vous avez déjà suivi le cours de l'or, vous avez sûrement noté que cette valeur est celle de l'once, plus précisément de l'"once troy", et non pas celle du lingot, du kilo ou encore des 100 grammes. Cette unité de mesure semble sortie d'un vieux grimoire et continue pourtant d'être la référence incontournable des marchés mondiaux.
Pourquoi l'or ne se mesure-t-il pas en kilos, comme n'importe quelle autre matière première? Et d'ailleurs qui a décidé qu'une once troy pèserait précisément 31,1035 grammes?
Une histoire de marchands et de foires médiévales
Pour comprendre l'origine de l'once troy, il faut remonter le temps, à une époque où l'or ne se vendait pas sur des plateformes numériques, mais dans de grandes foires marchandes. Au Moyen Age, la ville de Troyes, en Champagne, était l'un des carrefours commerciaux les plus influents d'Europe. Les marchands anglais, italiens et flamands s’y retrouvaient pour échanger soieries, épices et, bien sûr, métaux précieux.
Mais pour que ces transactions se déroulent sans accroc, il fallait bien une unité de mesure commune, histoire d’éviter qu’un Anglais et un Vénitien ne passent des heures à se disputer sur le poids exact d’un lingot.
Comme unité de mesure consensuelle, les marchands ont alors choisi l'once troy, qui ne serait pas une invention champenoise, mais plutôt un héritage de l'époque romaine. À Rome, le système monétaire reposait sur des barres de bronze, découpées en douze unités appelées uncia, d’où le mot "once". Chaque uncia pesait environ 31,1 grammes, soit le poids actuel de l’once troy.
Les foires de Troyes ont ainsi joué un rôle clé dans l’établissement d’un système standardisé pour peser l’or et l’argent. Ce système, adopté progressivement par les marchands européens, est devenu l’once troy, en hommage à la ville qui l’a fait connaître.
"Les anglo-saxons ont gagné la bataille de l’or"
Si l’once troy est encore utilisée aujourd’hui, c’est aussi en grande partie grâce aux Anglais, explique Jean-François Faure, le patron du site AuCoffre spécialisé dans l'achat d'or: "les anglo-saxons ont gagné la bataille de l’or !". En 1527, sous le règne d’Henri VIII, l’Angleterre adopte officiellement cette unité pour peser ses pièces d’or et d’argent.
Selon Simon Rostron, consultant pour la LBMA (London Bullion Market Association), ce tournant est crucial. C'est à cette époque que "la puissance navale et commerciale britannique commence à surpasser l'Espagne", entraînant avec elle la domination progressive de ses standards, dont l'once troy.
Finalement, lorsque les États-Unis adoptent eux aussi l’once troy en 1828, elle devient la référence mondiale pour peser l’or et l’argent.
Pourquoi pas une autre unité ?
Avec l’arrivée du Système International d’Unités (SI) en 1960, beaucoup d’anciennes mesures ont disparu au profit du gramme et du kilogramme. Mais l’once troy, elle, a étonnament résisté.
D’abord, parce que le marché des métaux précieux est un monde où la tradition pèse lourd. Changer l’unité de mesure aurait nécessité de recalculer tous les prix et contrats existants, une tâche titanesque qui aurait semé la confusion.
Ensuite, l’once troy est plus pratique que le kilogramme pour des transactions d’or : une once est une quantité plus facilement échangeable qu’un lingot d’un kilo, qui vaut plusieurs dizaines de milliers d’euros.
Comme l’explique Benjamin Louvet, directeur des gestions matières premières chez Ofi Invest AM, l’or étant souvent utilisé en petites quantités et très peu dans l’industrie, "il n’est pas nécessaire d’utiliser des unités trop grandes".
Enfin, l’once troy est aujourd’hui une norme universelle, utilisée sur toutes les grandes places de marché, de Londres (LBMA) à New York (COMEX).
Comment posséder ces fameuses onces d’or?
Aujourd’hui, il existe plusieurs manières de détenir de l’or: sous forme de pièces, de lingots, de lingotins ou encore via des ETF. Mais l’once reste le format de référence.
Comme le cours de l’or est exprimé en onces, acheter une pièce ou un lingot d’une once permet de comparer directement sa valeur au prix du marché.
"C’est ça qui est magique avec l’once d’or, explique Jean-François Faure. Facilement échangeable et universelle, elle s’impose comme un standard dans le commerce du métal précieux."
Les grandes monnaies métalliques internationales, comme l’American Eagle aux États-Unis, le Krugerrand sud-africain ou la Maple Leaf canadienne, sont toutes frappées en onces. En France, même la Monnaie de Paris commence à émettre des pièces d’or dans ce format.
L’once se retrouve aussi sur le marché des lingots et lingotins. Si en France, ces derniers sont généralement comptés en kilogrammes, les transactions à l’international se font en onces. Ce format s’adapte aussi bien aux investisseurs institutionnels qu’aux particuliers, qui peuvent acheter physiquement de l’or dans des boutiques spécialisées ou via des plateformes en ligne.
Les marchés se modernisent mais l’once ne bouge pas
Malgré la modernisation des marchés et l'essor de la tokenisation, l’or, qui figure parmi les trois actifs les plus négociés au monde, s’échange toujours en onces.
Sa particularité ? Il est fractionnable.
"Des millièmes d’onces, accessibles à tous", souligne Jean-François Faure. Si le cours de l’or équivaut aujourd’hui à plus de 3.000 dollars l’once, il est possible d’en acheter de plus petites fractions, rendant l’investissement plus flexible et ouvert à un plus large public. Que ce soit via des tokens adossés à l’or ou des produits financiers plus traditionnels, l’once troy continue d’être la norme dans l’évaluation et la cotation du métal précieux.
Selon Benjamin Louvet, l’once troy "n’est pas vouée à disparaître". Née sur les étals des foires médiévales, elle s’est imposée comme un standard monétaire et commercial. Et même si elle semble venir d’un autre temps, elle reste aujourd’hui la référence absolue dans le monde de l’or. Comme quoi, certaines traditions valent leur pesant d’or.