Pourquoi l'introduction d'une part de capitalisation ne réglera pas le problème du déficit des retraites à court terme

Édouard Philippe le maintient: pour sauver le système de retraite, les Français devront travailler plus longtemps et accepter une dose de capitalisation équivalente à terme à 15%.
"Si on veut conserver un système par répartition, de toute façon on va devoir travailler plus longtemps, plus nombreux, et en plus de ça, il faudra faire de la capitalisation", a assuré l'ancien Premier ministre invité de Quotidien ce mardi.
"En introduisant une part progressive de capitalisation, on arrive à faire profiter tout le monde de la valorisation du capital", a ajouté Edouard Philippe.
"Pas une solution miracle" à court terme
Pour autant, celui qui s'est déclaré candidat à la présidentielle martèle que la capitalisation seule ne suffira pas pour équilibrer un système comptant toujours plus de retraités pour de moins en moins d'actifs.
"La capitalisation, on doit le faire mais on devra quoi qu'il arrive travailler plus longtemps", a-t-il dit, évoquant un âge légal de 67 ans.
"Il ne faut pas croire que (la capitalisation) est une solution miracle", confirmait récemment sur BFM Business Mathieu Plane, directeur adjoint du département Analyse et prévision de l’OFCE. D'abord parce que la bascule vers un système hybride durera plusieurs années et ne permettra pas de résoudre à court terme l'équation financière du système dont le déficit est estimé par le Conseil d'orientation des retraite à 6,6 milliards d'euros à horizon 2030.
"Le problème fondamental des retraites, c’est le financement dans les prochaines années qui est lié au choc générationnel. S'il y a moins de retraite par répartition, il y a moins de cotisations et donc moins de prestations pour les retraités actuels, explique l'économiste. Peut-être qu’à moyen terme, ouvrir un peu de capitalisation, c’est une question qui peut se poser, mais elle ne résout pas le problème des 5, 10 ,15 prochaines années".
Quel financement?
Pour maintenir le niveau de pensions des retraités actuels, la transition impliquerait un double paiement de cotisations des actifs:
- un premier pour leur retraite future dans le cadre de la capitalisation
- et un second pour financer les pensions des retraités actuels, puisque dans le régime par répartition, ce sont bien les cotisations des actifs qui payent "en direct" les pensions des retraités.
Or, cette augmentation de cotisation est difficilement imaginable à l'heure où la France affiche déjà l'un des taux de cotisations retraite les plus élevés de l'OCDE. Sans compter que cette hausse du coût du travail risquerait de détruire des emplois.
Une difficulté identifiée par le ministre de l'Économie, Éric Lombard, qui a estimé que ce n'était pas "le bon moment" pour introduire une part de capitalisation. "Si on devait faire une capitalisation obligatoire, qui le financerait? Les entreprises, on voit bien que les marges sont serrées et il y a pas de quoi prélever. Donc cela demanderait une réflexion plus large sur l'organisation", a-t-il expliqué.
Plusieurs économistes comme Bertrand Martinot ont avancé des pistes de financement (mobiliser les réserves de l'Agirc-Arrco, supprimer l'abattement fiscal de 10% des retraités...) pour que la bascule d'un système à l'autre ne pénalise pas les actifs et ne passe pas par de l'endettement supplémentaire. Reste que les montants en jeu sont colossaux à l'heure où le gouvernement peine déjà à trouver les milliards nécessaires pour réduire le déficit public.
"Si on veut verser demain 30% des retraites via un système de capitalisation, ça veut dire qu'il faudrait accumuler 150% du PIB sur les fameux fonds de pension", indique sur BFM Business Emmanuel Grimaud, président fondateur de Maximis Retraite.
Rappelons tout de même que la capitalisation existe déjà en France. C'est ce que proposent certains dispositifs individuels ou d'entreprise comme le Plan épargne retraite (PER). Des régimes par capitalisation obligatoire sont en outre déjà en place dans certaines professions et même dans la fonction publique (retraite additionnelle de la Fonction publique).