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La France meilleure que l'Allemagne sur l'économie? Un hebdomadaire allemand juge que la dynamique a changé de pays

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Locomotive de l'Europe depuis deux décennies, l'Allemagne fait du surplace depuis quelques années, constate Der Spiegel, à la différence de la France de nouveau au centre du jeu.

"Ils ont tous de la croisssance, mais pas nous." En ce début du mois de septembre, l'hebdomadaire allemand Der Spiegel tire la sonnette d'alarme sur l'économie du pays. La locomotive de l'Europe paraît grippée. Le "miracle économique" allemand survenu au lendemain des années Schröder et des controversées lois Hartz sur la flexibilité du travail a peut-être fait long feu.

Certes, avec un quasi-plein emploi (5,6% de taux de chômage), un excédent commercial en recul mais qui reste largement positif ou encore une dette publique qui ferait pâlir d'envie la plupart des économies de l'UE (66% du PIB contre 84% en moyenne en Europe), il est peut-être hâtif de parler de "malade de l'Europe" comme on le fait souvent dès que la première économie de l'Union s'enrhume.

La une de l'hebdomadaire allemand Der Spiegel.
La une de l'hebdomadaire allemand Der Spiegel. © Der Spiegel

Il n'empêche que si la photographie à l'instant T n'est pas si sombre, la dynamique, elle, est défavorable. À la différence de celle de l'Hexagone, comme l'estime le journaliste allemand Michael Sauga dans Der Spiegel, qui qualifie la France "d'Allemagne en meilleure".

"Depuis des années, la République fédérale est à la traîne dans le classement mondial de la compétitivité, tandis que son pays voisin rattrape son retard, note-t-il. Il n'est pas étonnant que les entreprises internationales investissent désormais beaucoup plus souvent à l'ouest du Rhin, même dans des secteurs qui étaient jusqu'à récemment considérés comme du domaine allemand, comme l'industrie automobile ou la construction mécanique."

Depuis cinq ans, la croissance économique française surpasse en effet celle de son grand voisin. Hormis l'année du Covid qui a vu l'Allemagne mieux résister avec un recul d'à peine 3,7% contre près de 7% pour la France, le PIB croît à un rythme deux fois plus rapide de notre côté du Rhin que de l'autre. Sur la période 2018-2023, la croissance française a atteint 5,5% quand celle de l'Allemagne plafonne à 2,5%.

Médicaments amers mais curatifs

Si les réformes Schröder avaient, au début du millénaire, constitué un électrochoc salutaire dans un pays lesté par une réunification coûteuse et plombé par un taux de chômage de 12%, le pays se serait assoupi durant la très longue ère Merkel, estime Der Spiegel.

"'Bien vivre en Allemagne' était la devise de Merkel, qui reflétait le mélange fatal d'arrogance et d'impertinence avec lequel la république a raté le tournant vers l'électromobilité ainsi que l'expansion de son réseau électrique et la numérisation de l'administration publique, résume l'article. Macron, en revanche, immédiatement après son entrée en fonction, a commencé à donner à ses compatriotes des médicaments amers mais curatifs."

Et de citer en vrac la réduction de l'impôt sur les sociétés, l'assouplissement du Code du travail, la réforme des retraites et un discours politique qui promeut le "travailler plus".

"Sa popularité a chuté, mais l’attractivité du lieu a augmenté, note l'hebdomadaire allemand. La France est soudain apparue comme un pays où les hommes politiques agissent comme s’ils parlaient."

À cela, le contexte international a, de plus, joué en faveur de la France. À commencer par la guerre en Ukraine qui a fait de l'autonomie énergétique (surtout vis à vis de la Russie) le principal défi du Vieux Continent. Les regards se sont alors tournés vers la France nucléaire "désespérément mise à l'écart lorsque, après la catastrophe de Fukushima presque tout le monde voulait sortir de l'énergie nucléaire le plus rapidement possible."

Si l'Allemagne a très tôt et massivement investi dans les énergies renouvelables, elle aurait un peu vite, dans l'émotion de Fukushima, tiré un trait définitif sur l'atome. Par idéologie mais sans doute aussi pour marquer son indépendance industrielle vis-à-vis de la France qui est le seul pays exportateur de centrales en Europe.

"Pendant la phase de transition, il serait insensé de renoncer complètement à une source d’électricité fiable, largement nationale, comme le soutiennent aujourd’hui d’anciens partisans de la sortie, écrit Der Spiegel. Olaf Scholz est désormais en Europe le conducteur fantôme qui, dans une attitude de je-sais-tout typiquement allemande, déclare que l'énergie nucléaire est un 'cheval mort', alors qu'elle sautille allègrement dans le reste du continent."

Une dynamique favorable à la France qui se traduit par une influence grandissante au sein de l'UE. Le "bien vivre" allemand qui avait infusé ces deux dernières décennies dans les institutions européennes et qui privilégiaient le consommateur au détriment des industriels a laissé place au concept "d'autonomie stratégique" promus par le président français.

La France première économie en 2050?

Favoriser l'émergence de champions européens, ne pas concevoir l'Union comme un simple marché de clients pour des industries américaines ou chinoises ou encore répondre du tac-au-tac à la politique "America's first" de Joe Biden… L'agenda européen semble aujourd'hui davantage s'écrire à Paris qu'à Berlin.

"Après que le président américain Joe Biden a assez brutalement bloqué l’accès des entreprises européennes au marché américain avec sa loi sur la réduction de l’inflation, Macron a immédiatement appelé à des contre-mesures, notamment sous la forme d’une réglementation 'Acheter européen'. L’Allemagne est contre, rappelle Der Spiegel. Mais comme la coalition des feux tricolores n’a pas d’alternative à proposer, ce n’est probablement qu’une question de temps avant que la politique européenne ne s’oriente également vers la ligne de Paris sur cette question."

En marge des Rencontres économiques d'Aix-en-Provence, Bruno Le Maire a fixé un objectif au pays. "La France doit devenir la première puissance économique en Europe à l'horizon 2050", a-t-il déclaré dans La Provence. Avec une production 40% inférieure à celle de sa grande voisine, la France a encore un très long chemin à parcourir. Mais sa route est droite et la pente plus si forte que ça.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco