Jour du dépassement: où se situe la France par rapport aux meilleurs et aux pires élèves?

Nous vivons dès aujourd'hui à crédit. Ce mercredi 2 août marque le jour où le monde a virtuellement consommé toutes les ressources qui sont générées au fil d'une année. Soit au bout des deux tiers seulement d'une année complète.
Ce "jour du dépassement" est établi par la Global Footprint Network, une organisation internationale "qui aide le monde à vivre selon les moyens de la Terre et à répondre au changement climatique". Elle mesure l'écart entre la biocapacité d'une région, ce qu'elle produit en ressources naturelles (bois, poissons, etc.) et la demande que nous en faisons. Les scientifiques prennent en compte 3 millions de données statistiques issues de 200 pays.
Le jour du dépassement ne s'établit pas qu'à l'échelle globale. Chaque pays a le sien. Celui de la France a ainsi été fixé au 5 mai dernier, soit quasiment 3 mois avant la moyenne mondiale. Pour autant, la France n'est pas à proprement parler un "mauvais élève".
Des "efforts" insuffisants en France
Si toute l'humanité vivait avec le style de vie des Français, il faudrait l'équivalent de 2,9 planètes bleues pour répondre à ses besoins. "La France consomme 86% plus que ce que ses propres écosystèmes peuvent régénérer", déplore la Global Footprint Network.
"Même si la France fait des efforts, notamment en matière de décarbonation, de réduction des déchets alimentaires et d’élimination des voyages aériens nationaux, le pays est encore loin d’être apte à fonctionner dans un monde en proie à un dépassement persistant", prévient Steven Tebbe, le PDG de l'organisation.
Ces "efforts" menés par la France en matière de sobriété sont visibles sur les projections de l'Université de York. En rouge, l'ampleur du "déficit écologique". D'abord réduit dans les années 1960, il a explosé entre 1970 et 2010, avec de se contracter légèrement:

Quels sont les facteurs qui tirent notre notation à la baisse? Principalement notre alimentation et notre usage des énergies fossiles. Pour ce premier point, la tendance n'est visiblement pas la bonne. Selon l'Agreste, l’organisme en charge du suivi des données statistiques au ministère de l’Agriculture, notre consommation de viande a progressé en 2022, comme en 2021, après une période de baisse.
De manière générale, le jour du dépassement français n'évolue que peu, bien que la population, elle, augmente. Mais cette apparente bonne nouvelle est un trompe l'oeil, elle souligne surtout que les politiques environnementales successives ne permettent pas d'inverser la tendance.
Une situation désolante pour Jean Rousselot, le responsable du programme eau douce au Fonds mondial pour la nature (WWF). Il s'est exaspéré à ce propos au micro de France Inter:
"Cela fait une décennie que l'on stagne avec cette journée du dépassement. On est resté là où on est: ça ne s'aggrave plus comme par le passé depuis les années 1970 mais on n'est pas dans une amélioration. Et ce, malgré toutes les annonces faites pendant les COP sur le climat."
Dans la moyenne de nos voisins de l'UE
Dans l'absolu, la France n'est pas une bonne élève. Mais sa situation peut aisément être comparée à celle de ses voisins immédiats au sein de l'Union européenne. À titre d'exemple, le Luxembourg voit sa date de dépassement fixée pour le 14 février, une anomalie statistique, le deuxième plus gros déficitaire européen, l'Estonie, n'entrant dans le rouge qu'à partir du 14 mars.
Chez nos plus proches voisins, la Belgique dénote en franchissant sa limite dès le 26 mars, notamment à cause d'un sous-emploi des énergies renouvelables. Sinon, avec un dépassement au 5 mai, la France se trouve non loin de l'Allemagne (4 mai), de l'Espagne (12 mai), de la Suisse (13 mai) et de l'Italie (15 mai).
D'une manière générale, les pays du Nord, les plus gros exportateurs énergétiques, sont ceux qui performent le moins bien. Mais les écarts ne sont pas extrêmement significatifs au sein de l'Europe, les modes de vie et de consommation étant relativement similaires malgré les frontières.
Le Qatar et les USA en bas de classement
Hors de l'Union européenne, les écarts peuvent s'avérer extrêmement flagrants. Une mise en image fournie par l'ONG permet de visualiser simplement le fossé entre certaines nations:

Le tout dernier pays dans le classement est le symbole même de l'opulence: le Qatar, qui est entré à crédit dès le 10 février. Soit un peu plus d'un mois après le début de l'année seulement. Si chaque personne sur terre vivait le même train de vie qu'un Qatari, il faudrait à l'humanité l'équivalent des ressources de 9 planètes. En 2021, les émissions de CO2 par habitant pour le Qatar étaient de 34,4 tonnes de CO2 par habitant. En France, en 2020, l'empreinte carbone par habitant oscillait entre 8 et 9 tonnes.
Parmi les autres mauvais élèves, on retrouve sur un pied d'égalité les États-Unis, le Canada et les Émirats arabe unis, pour un dépassement le 13 mars 2023, soit environ un tiers de l'année écoulée seulement. Le mode de vie à l'américaine, particulièrement porté sur la consommation, notamment de viande, le recours aux énergies fossiles et l'utilisation de modes de transport polluants, n'est pas un mythe.
Quelques pays ne vivent pas à crédit
Mais qui sont les bons élèves? Avec un jour du dépassement fixé au 20 décembre, la Jamaïque fait figure de bon élève. Et certains pays comme l'Équateur et l'Indonésie sont capables de tenir grâce à leurs ressources jusqu'aux dernières semaines de l'année. Mais cela ne fait pas d'eux les têtes d'affiche puisque certains États ne dépassent simplement pas leurs capacités.
Ils sont principalement situés en Afrique centrale (Angola, République démocratique du Congo), mais aussi en Asie où l'Inde et le Pakistan n'entrent jamais en déficit. D'une manière générale, les pays en voie de développement dans l'hémisphère sud se classent mieux que leurs voisins du nord.
Reste que, pour atteindre l'objectif fixé par les scientifiques du Giec, et limiter la hausse des températures globales à +1,5°C, il faudra au moins faire reculer globalement le jour du dépassement de 19 jours par an pour la décennie à venir. Un effort collectif.