JO de Paris 2024: Les Jeux vont-ils apporter quelque chose à l'économie française?

Les JO vont-ils ruisseler sur l'économie française? À 500 jours du coup d'envoi de Paris 2024 c'est la question à laquelle tentent de répondre deux députés Stéphane Mazars (RE) et Stéphane Peu (Nupes) chargés d'une mission parlementaire sur le sujet dont les conclusions seront dévoilées en juin. Les deux élus reconnaisent d’ores et déjà la difficulté d'estimer les retombées économiques à court et long terme d'un tel événement.
Des experts du Centre de droit et d’économie du sport (CDES) de Limoges ont toutefois tenté de donner une estimation. Selon leur rapport de 2017, les JO de Paris pourraient avoir un impact global estimé entre 5,3 milliards d’euros et 10,7 milliards d’euros pour le seul territoire de l’Île-de-France.
"L'impact touristique conditionnera pour beaucoup les retombées économiques des JO en Île-de-France, assurait en février dernier le député Stéphane Mazars. Les villes hôtes quand elles candidatent considèrent que l'activité touristique c'est un peu le retour sur investissement. Le tourisme devait représenter entre 27 et 35% de l'impact global de l'événement."
Les représentants du CDES estiment que les retombées touristiques des Jeux s’établiraient entre 1,43 milliard d’euros et 3,52 milliards d’euros.
"Cependant, identifier les retombées touristiques des Jeux revient à tenter d’isoler l’impact de l’événement au sein d’une activité par nature complexe et multidimensionnelle, dans la mesure où les déterminants de l’activité touristique sont particulièrement nombreux: densité de l’offre hôtelière, cours de la devise locale, accessibilité des transports, conjoncture économique mondiale, situation sanitaire, etc.", précisent les députés.
15 millions de touristes attendus
Les organisateurs s'attendent en effet à accueillir 15 millions de touristes à cette occasion avec un surcroît d’activité touristique au cours de l’année olympique et, d’autre part, un "effet levier au niveau du tourisme postolympique".
Si les aléas potentiels sont nombreux et de plus les JO peuvent avoir un effet négatif appelé "l'effet d'éviction", soit les touristes qui ne viennent pas à cause justement de l'événement. Autrement dit les spectateurs du 100 mètres remplacent seulement les visiteurs du Louvre.
"Un premier effet d’éviction, d’autant plus fort que Paris est déjà une destination touristique de premier plan, peut consister en un certain découragement pour les visiteurs habituels et les habitants, en raison de l’anticipation de désagréments liés aux Jeux, tels que des effets de congestion ou l’augmentation des prix, précisent les députés dans un compte rendu publié en février. Cet effet d’éviction pourrait être important et certains acteurs, comme France Tourisme à Paris, font déjà part de leurs inquiétudes."
Si le tourisme est le "retour sur investissement" le plus facilement mesurable, Paris et la France pourraient bénéficier du rayonnement mondial de l'événement. Des reportages sur le pays dans le monde entier, des entreprises françaises qui montrent leur savoir-faire, des acteurs du monde économiques séduits lors de leur visite... Les possibilités sont nombreuses.
Marseille se frotte les mains
Et pas seulement pour la capitale. À Marseille par exemple qui accueillera les épreuves de voile dans sa marina et des matchs de football au stade Vélodrome, la Chambre de commerce et d'industrie espère au moins 100 millions d'euros de retombées économiques.
"Aujourd'hui rien que les JO sur la France c'est plus de 10 milliards d'euros de retombées économiques, on peut espérer au moins 100 millions d'euros rien que sur notre territoire", estime Jean-Daniel Beurnier, membre de la CCIAMP sur BFM Marseille.
Les JO seront-ils créateurs d'emplois? Hôtellerie, bâtiment, transports, restauration... Le Comité d'organisation mentionne le chiffre de 150.000 emplois créés. Une estimation sans doute optimiste. Le cabinet Astéres table plutôt sur 130.000 emplois pour des retombées globales de 8,7 milliards d'euros pour le pays.
"Notre estimation concerne des emplois en équivalent temps plein sur une année", précise le cabinet dans une note publiée en septembre dernier. Certains emplois existent déjà et sont simplement redéployés sur l'activité des Jeux.
Néanmoins le cabinet estime que la dépense est plutôt bien allouée.
"Il y a un effet d'entraînement élevé du fait d'une faible proportion d'importations dans les biens et services utilisés", précise Asterès.
Un effet moindre si au lieu d'investir dans les JO ces sommes avaient été allouées aux ménages, estime le cabinet. Un transfert de cette dépense aux ménages les plus modestes aurait entraîné, selon le modèle d'impact d'Astéres, 8 milliards d'euros de valeur ajoutée mais une création moindre d'emplois de l'ordre de 77.000. C'est la part des importations dans la consommation des ménages qui explique cet écart.
Londres très optimiste sur "l'effet JO"
Si ce transfert avait été effectué vers les ménages aisés, via par exemple des allègements d'impôts, l'impact aurait été encore moindre avec 6 milliards d'euros de retombées et 57.000 emplois créés du fait du taux d'épargne élevée (27%) pour cette catégorie de la population.
Reste qu'il faut manier ces chiffres avec prudence. Les études d'impact de ces grands événements internationaux sont loin d'être une science exacte. Elles sont aussi très politiques. Entre des opposants qui les instrumentalisent pour dénoncer les gabegies financières et des gouvernements qui les gonflent pour flatter leur bilan.
Le gouvernement britannique avance ainsi des retombées positives comprises entre 11 et 53 milliards d’euros pour les JO de Londres en 2012. Difficile cependant d'isoler l'élément "JO" dans l'attractivité de Londres durant la période.
Il y a des villes où l'événement a pu contribuer à l'essor. C'est le cas de Barcelone qui a probablement profité des 9 milliards d'euros qui se sont déversés sur la ville pour accueillir l'Olympiade de 1992.
"Il fallait rénover la ville et lancer son développement économique à la sortie du franquisme, explique Jean-Jacques Gouguet dans Le Monde, co-auteur de "Jeux Olympiques de 1924 à 2024 – Impacts, retombées économiques et héritage". Personne n’était d’accord sur la stratégie. Les JO ont mis ville, province et capitale d’accord. Ça a été le catalyseur d’une politique publique. D’un strict point de vue comptable, les JO ont été déficitaires. Économiquement, ils ont permis de faire gagner cinquante ans à Barcelone, tout le monde le sait, même si personne ne l’a analysé scientifiquement". Tout le mal qu'on souhaite à Paris.
