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JO de Paris 2024: quel est le bilan financier des précédentes Olympiades?

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Avec une préparation perturbée par la pandémie de coronavirus, le Comité d'organisation des Jeux olympiques de Paris 2024 ne devrait pas échapper aux dépassements budgétaires, systématiques lors des précédentes éditions. BFM Business revient sur le bilan financier des Olympiades du XXIème siècle.

Quelle sera la vraie facture? Quand il s'agit d'envisager le bilan financier de Paris 2024, la question n'est pas de savoir si l'organisation de l'événement dépassera le budget prévu mais plutôt de combien elle le dépassera... Au cours des dernières décennies, les dépassements de budget prévisionnel sont devenus monnaie courante lors des Jeux olympiques, aussi bien pour ceux d'été que ceux d'hiver. La différence entre les villes organisatrices se fait dans leur capacité à limiter ce surcoût, mais aussi à générer d'importantes recettes durant la quinzaine olympique. Sans oublier les retombées positives durables tant en matière d'activité économique dopée que d'amortissement des investissements dans les infrastructures construites pour l'occasion.

• Barcelone 1992

Carl Lewis lors de la finale des Jeux Olympiques du saut en longueur le 6 aout 1992 à Barcelone. Il y remporte la médaille d'or avec un saut de 8.67 mètres
Carl Lewis lors de la finale des Jeux Olympiques du saut en longueur le 6 aout 1992 à Barcelone. Il y remporte la médaille d'or avec un saut de 8.67 mètres © ERIC FEFERBERG / AFP

Certes, les Jeux olympiques de la cité catalane sont l'une des dernières éditions du XXème siècle, mais il n'en demeure pas moins qu'elles ont fait rentrer l'organisation de l'événement sportif dans une nouvelle ère. En témoigne leur coût final estimé à plus de neuf milliards d'euros contre un budget prévisionnel qui tablait sur un montant de 3,5 milliards d'euros.

Malgré ce dépassement de près de six milliards d'euros, Barcelone est souvent citée en exemple parmi les villes hôtes qui ont su tirer profit de l'organisation des Olympiades. Vingt ans plus tard, le maire Xavier Trias assurait ainsi que les JO avait "totalement transformé" la ville. Et pour cause, l'événement a permis de renforcer le réseau de transports barcelonais tandis que les installations construites ou améliorées pour l'occasion ont perduré dans le temps. Elles continuent d'accueillir aujourd'hui des manifestations sportives de premier plan comme la nouvelle marina, le complexe multisportif issu de l'ancienne gare de l'Estacio del Nord ou encore le canal olympique de Castelldefels.

• Sydney 2000

Le Français Florian Rousseau, médaillé d'or du keirin, le 21 septembre 2000 aux Jeux Olympiques de Sydney
Le Français Florian Rousseau, médaillé d'or du keirin, le 21 septembre 2000 aux Jeux Olympiques de Sydney © PEDRO UGARTE © 2019 AFP

Après Atlanta en 1996, les JO entrent pleinement dans l'ère du XXIè siècle avec l'édition de Sydney. Si elle n'a pas échappé au dépassement de budget, la capitale australienne n'a pas fait dans la démesure. Le budget prévisionnel était légèrement inférieur à celui de Barcelone huit ans plus tôt, à hauteur de trois milliards d'euros, tandis que le coût final aura dépassé la barre des 5 milliards d'euros.

Sydney était la première ville à inclure un volet écologique dans son dossier de candidature et souhaitait regrouper les installations dans un rayon de 30 km près du centre-ville. Si les dépenses publiques n'ont pas trop souffert de l'événement à court terme, ce dernier a fini par peser sur les comptes dans les années qui ont suivi en raison d'infrastructures difficiles à valoriser à terme. En 2004, le quotidien The Sydney Morning Herald révélait que le gouvernement dépensait chaque année l'équivalent de près de 30 millions d'euros pour permettre aux différents sites de rester ouverts.

• Athènes 2004

Les médailles des Jeux d'Athènes de 2004
Les médailles des Jeux d'Athènes de 2004 © ATHOC

C'était un choix hautement symbolique qui faisait écho à l'histoire antique. Budgétés à hauteur de quelque 5 milliards d'euros, les Jeux olympiques grecs auront finalement coûté le double. Mais le préjudice aura été bien plus durable pour la Grèce, selon le FMI qui évoquait déjà, en 2010, des sites "soit vides, soit rarement utilisés, et [qui] occupent des terrains précieux dans ce centre urbain surchargé". Encore plus évocateur du poids économique des JO dans l'économie grecque, le président du CIO de l'époque, Jacques Rogge, estimait que "2% à 3% de la dette extérieure du pays avait augmenté en raison du coût des Jeux".

"Le problème est que nous voulions faire en cinq ans ce que nous n’avions pas fait pendant tant d’années", expliquait le porte-parole du Comité olympique grec au Monde il y a quelques années.

Près de 20 ans après, les Olympiades sont tout simplement considérées comme un des facteurs qui a précipité le pays dans la crise économique. Il faut dire que la préparation de l'événement représentait 57 grands travaux dont près de la moitié était des infrastructures olympiques ainsi que trois gros chantiers destinés à fluidifier la circulation dans la capitale. Parmi eux, une ligne de tram, un train de banlieue et deux lignes de métro. De même, de nombreuses infrastructures ont été abandonnées et ne sont plus utilisées aujourd'hui à l'image du stade d'Elliniko qui avait accueilli les épreuves d'escrime, de handball et de hockey.

• Pékin 2008

McDonald's était partenaire du comité olympique depuis plusieurs années (ici à Pékin en 2008).
McDonald's était partenaire du comité olympique depuis plusieurs années (ici à Pékin en 2008). © STR - AFP

Sans doute les Jeux olympiques de la démesure sur le plan budgétaire. Pour la Chine, les Olympiades 2008 revêtaient un puissant enjeu de soft power et le pays n'a pas lésiné sur les moyens pour en faire un événement inoubliable. Alors que le budget prévisionnel ne s'élevait "qu'à" 2,6 milliards d'euros, le coût final a explosé pour finalement atteindre plus de 30 milliards d'euros, soit un dépassement supérieur à 1000%. Les fonds publics ont contribué à hauteur de 80% à cette facture totale.

En y regardant de plus près, ces sommes affolantes ne sont en réalité pas si étonnantes puisque Pékin a profité de l'événement pour construire un troisième aéroport. Par ailleurs, la puissance économique du pays lui permet de supporter sur le plan financier un stade olympique de 90.000 places construit pour l'occasion dans une logique de prestige et qui reste vide 15 ans plus tard. Aujourd'hui, seuls les Jeux olympiques d'hiver de 2014, organisés à Sotchi en Russie, affichent des dépenses plus conséquentes, d'environ 36 milliards d'euros.

• Londres 2012

Daniel Craig et la reine Elizabeth II en 2012, lors de la cérémonie d'ouverture des JO de Londres.
Daniel Craig et la reine Elizabeth II en 2012, lors de la cérémonie d'ouverture des JO de Londres. © AFP

Bien qu'il s'agisse d'une métropole particulièrement développée en matière d'infrastructures sportives, de réseaux de transports ou encore de capacités d'accueil de touristes, Londres a aussi largement dépassé son budget prévisionnel. Il sera porté d'à peine 5 milliards d'euros à 11 milliards d'euros. L'État, responsable de la moitié des financements avancés, a entrepris la construction d'un stade olympique en vue des Olympiades et a réhabilité un quartier entier de l'est londonien pour l'occasion.

Cependant, l'événement dans la capitale anglaise a largement contribué aux recettes du Comité international olympique estimées à 6,5 milliards d'euros sur la période 2009-2012. Un an après, une étude du gouvernement évoquait des retombées économiques indirectes conséquentes, chiffrées à plus de 11 milliards d'euros grâce notamment à de nouveaux contrats commerciaux, d'investissements en provenance de l'étranger ou de ventes diverses. Plus de 30.000 emplois auraient également été créés. Une étude de 2015 estimait que d'ici 2020, les recettes générées par l'événement pourraient dépasser les 50 milliards d'euros.

L'économie nationale a aussi largement tiré profit des Olympiades britanniques puisque 2000 entreprises du pays ont signé 91% des contrats proposés par l'organisme en charge des appels d’offres pour les infrastructures et les équipements pour un total de 8,7 milliards d'euros. De même, 94% des marchés relatifs à l'organisation de l'événement leur ont été attribués. Enfin, la quasi-totalité des 7 milliards d'euros de contrats liés au parc olympique ont été remportés par des entreprises implantées au Royaume-Uni dont une majorité de TPE et PME.

• Rio 2016

Le Jamaïcain Usain Bolt remporte la finale du 200 m devant le Canadien André De Grasse (d) et le Français Christophe Lemaître (g), lors des Jeux olympiques de Rio, le 18 août 2016
Le Jamaïcain Usain Bolt remporte la finale du 200 m devant le Canadien André De Grasse (d) et le Français Christophe Lemaître (g), lors des Jeux olympiques de Rio, le 18 août 2016 © Luis Acosta © 2019 AFP

Les Jeux Olympiques étaient particulièrement attendus au Brésil, pays où persistent d'importantes inégalités et difficultés économiques. Avec un coût estimé aux alentours des 9 milliards d'euros, ce qui en faisait à l'époque le plus grand budget prévisionnel olympique de l'Histoire, l'événement a finalement rendu une addition d'une 13 milliards d'euros au bas mot selon Associated Press. Un tiers proviendrait des coûts relatifs aux installations sportives et aux frais d'exploitations auxquels l'agence américaine a ajouté des coûts liés à la construction d'une ligne de métro, un laboratoire antidopage, des rénovations des installations portuaires et le nettoyage de la baie de Guanabara.

Sur la période 2013-2016, les recettes CIO ont légèrement décru pour s'établir à 4,8 milliards d'euros. Sur le plan purement touristique, le Brésil a enregistré une fréquentation annuelle en hausse de près de 5% entre 2015 et 2016 et une augmentation des revenus générés par les visiteurs de plus de 6% sur la même période. La construction d'hôtels et de résidences a dopé l'économie brésilienne tandis que les services se sont améliorés tant dans la santé que l'éducation ou encore le développement social. À noter également que les inégalités locales se sont légèrement réduites dans les années précédant les Jeux puisque les revenus des 5% d'habitants de Rio les plus pauvres ont plus augmenté que ceux des 5% les plus riches. À long terme, les Olympiades brésiliennes n'ont toutefois pas soigné tous les maux économiques et sociaux du pays qui restent très présents.

• Tokyo 2021

Des gens prennent des photos avec les anneaux olympiques, à côté du musée des Jeux Olympiques à Tokyo, le 17 mai 2021
Des gens prennent des photos avec les anneaux olympiques, à côté du musée des Jeux Olympiques à Tokyo, le 17 mai 2021 © Philip FONG © 2019 AFP

Retardés d'un an en raison de la pandémie de coronavirus, les Jeux olympiques de Tokyo ont logiquement généré un dépassement du budget, ce dernier passant de 5 à 12 milliards d'euros. Pourtant, le CIO était allé jusqu'à bloquer la construction de nouvelles infrastructures dont l'utilité post-JO n'était pas démontrée comme celle pour les épreuves d'aviron. Dans le détail, les mesures de prévention du Covid-19, notamment le dépistage des athlètes, ont coûté 246 millions d'euros. De même, le coût du stade national a pesé presque 200 millions d'euros de plus que prévu.

Du côté des recettes, celles liées à la billetterie ont été largement amputées à cause de la situation sanitaire qui aurait privé les organisateurs de 632 millions d'euros. Entre la contribution du CIO, les différents parrainages, l'indemnité d'assurance pour le report des Jeux et les autres sources de revenus comme les licences, plus de 4 milliards d'euros ont été directement générés dans les caisses.

Timothée Talbi