Jean-Marc Astorg (CNES): "La conquête spatiale ce n'est pas le privé contre le public"

Richard Branson, Elon Musk, Jeff Bezos... Depuis quelques années, les plus grandes avancées de la conquête spatiale semblent issues exclusivement du secteur privé. C'est d'ailleurs SpaceX, la société d'Elon Musk, qui a été choisie par la Nasa pour effectuer la prochaine mission américaine sur la Lune.
Les entreprises privées seraient-elle en train de supplanter les Etats dans l'aventure spatiale? Selon Jean-Marc Astorg, le directeur des lancements du Centre national d'études spatiales (Cnes), c'est allé un peu vite en besogne.
"Quand vous regardez le budget américain du spatial c'est 60 milliards de dollars et c'est 8 milliards de dollars pour le privé, assure-t-il. Donc il y a beaucoup de choses qui se passent au niveau des Etats."
Baptisé "New space" l'activité spatiale issu des start-ups se développe depuis quelques année dans le monde. Des investissements privés qui devraient tirer l'économie de l'espace mondiale ces prochaines via les nombreux services satellites et ou les développements industriels futurs. Morgan Stanley estime ainsi que l'industrie spatiale mondiale pourrait générer des revenus de plus de 1.000 milliards de dollars ou plus en 2040 contre 350 milliards de dollars actuellement.
"Le New space c'est un dynamisme, c'est une prise de risque par les start-ups aux Etats-Unis mais aussi en Europe et en France, reconnaît Jean-Marc Astorg. Tout çace n'est pas le privé contre le public, ça fait partie d'un plan d'ensemble, le secteur public doit s'appuyer sur ces start-ups pour prendre des risques, pour faire des choses plus rapidement et moins cher. On parle plus d'aventure spatiale que lorsque je suis rentré au Cnes il y a 35 ans, je trouve ça très positif."
Ariane 6 50% moins coûteuse
Le privé a apporté sa culture de l'efficacité et de la réduction des coûts à l'économie spatiale. Un levier essentiel pour son développement futur.
"L'accès à l'espace reste très cher, rappelle le directeur du Cnes. Pour mettre ma bouteille d'eau en orbite ça coûte 10.000 euros. Tout le monde veut casser les coûts. Avec Ariane 6 on réduit les coûts de 50% par rapport à Ariane 5. Si ce coût est divisé par 10 ou par 100 on pourra multiplier la présence de l'Homme en orbite mais aussi les satellites qui nous serviront pour beaucoup d'applications."
Des réductions de coûts qui passent par la massification qui pourra être permise par le tourisme spatial avec la multiplication des lanceurs. Mais aussi par le développement de lanceurs réutilisables à l'origine des projets d'Elon Musk et de Jeff Bezos.
Des avancées sur lesquelles l'Europe semble être à la traîne des Etats-Unis.
"On était leaders pendant 30 ans grâce à Ariane et même si c'est plus difficile aujourd'hui, on se bat pour y arriver, admet Jean-Marc Astorg. En europe on développe Ariane, on a en besoin pour lancer nos propres satellites, c'est un besoin d'autonomie. Au début de l'aventure Ariane, les Américains nous avaient empêchés de commercialiser nos propres satellites de communication."
L'Europe s'apprête à lancer Ariane 6 qui devrait effectuer son premier vol en 2022. Elle devrait succéder à Ariane 5 d'ici 2023-2024. Il ne s'agira pas d'un lanceur réutilisable mais ArianeGroup a investi 150 millions d'euros auprès de l'Agence spatiale européenne pour développer des moteurs qui devraient propulser les fusées réutilisables européennes du futur.
