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Jean-Laurent Granier (Generali): "les esprits ne sont pas prêts" pour un régime d'assurance pandémie généralisé

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Sur BFM Business, le PDG de l'assureur et vice-président de la Fédération française de l'assurance explique pourquoi Bercy et le secteur ont finalement abandonné cette idée.

Dès le début du premier confinement, le gouvernement les assureurs se sont penchés sur la création d'un régime d'assurance pandémie à l'image du régime pour catastrophes naturelles, afin de mieux protéger les pertes d'exploitation des entreprises en cas de nouvelle pandémie.

Mais finalement, après de longues réflexions et négociations cette idée sera finalement abandonnée. Jugé trop compliqué, trop peu utilisable et trop coûteux pour les entreprises, ce nouveau régime généralisé n'a pas obtenu de consensus, et Bercy promeut désormais une incitation fiscale pour les entreprises à se constituer des provisions en cas de coup dur.

"J'ai entendu les inquiétudes de toutes les entreprises (...) qui ne veulent pas de charges nouvelles", qui seraient "insupportables pour elles", a justifié Bruno Le Maire le ministre de l'Economie. Selon Bercy, le coût d'une telle assurance est en effet "disproportionné" alors qu'une pandémie comme celle du Covid-19 ne survient que très rarement.

Crise injuste

Invité de Good Morning Business, Jean-Laurent Granier, PDG de Generali et vice-président de la Fédération française de l'assurance explique pourquoi cette idée a été abandonnée.

"Face à la soudaineté et à la violence de ce phénomène, il y a eu une demande forte (...) de dire sur le modèle des catastrophes naturelles, inventons quelque chose. Mais précisément, sur le modèle des catastrophes naturelles, pour que ça marche, il faut des cotisations obligatoires adressées à l'ensemble des entreprises. Or, cette crise est très injuste car tous les secteurs professionnels ne sont pas touchés de la même façon. Des secteurs comme le bricolage, le jardinage sont en pleine explosion, d'autres comme le tourisme et la restauration sont dans les pires difficultés".
Et de poursuivre: "ce qu'il fallait, c'est obtenir une forme de consensus sur ce nouveau régime qui était là pour créer un amortisseur pas une couverture à 100%. Aujourd'hui, les esprits ne sont pas prêts".

"On a essayé de trouver une solution dite assurantielle (...). On a étudié quelques pistes mais après des consultations, on s'est rendu compte que c'était assez compliqué", explique à l'AFP Valéria Faure-Muntian, députée LREM et membre du groupe de travail lancé au printemps.

D'où l'idée d'inciter les entreprises à s'assurer par elles-mêmes en constituant des réserves, via un mécanisme d'incitation fiscale. En clair, elles pourraient déduire de leurs bénéfices le montant qu'elles provisionneraient, ce qui leur permettrait de réduire leur impôt sur les sociétés, explique Mme Faure-Muntian.

Compliqué pour les TPE

"Pour les petites entreprises et les entreprises de taille moyenne, ce sera en fonction de leurs capacités et de leurs besoins, sachant que l'État sera toujours là quand le risque est systémique", défend la députée.

Reste à obtenir le consentement de Bruxelles, très sourcilleuse sur tout ce qui peut s'apparenter à des subventions des Etats.

"C'est bien pour les entreprises qui ont les moyens de le faire. Mais pour les TPE et les commerces qui sont aujourd'hui au bord de l'agonie et qui ne sont même pas sûrs de passer la fin de l'année, je ne suis pas certaine que leur priorité va être de constituer des provisions pour s'assurer contre un risque futur", juge Stéphanie Pauzat, vice-présidente de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME).

Au syndicat patronal des indépendants de l'hôtellerie-restauration, le GNI, Catherine Querard en charge du dossier assurances, "regrette que le gouvernement ait fait volte face en 10 jours. Le gouvernement dit que cela coûtait trop cher, mais où est l'évaluation ? On pouvait demander aux assurances de prendre en charge une partie du coût. Rien n'a été discuté, c'est aller très vite en besogne !".

Et certains de se demander si cet abandon n'est pas une sorte de contre-partie offerte par Bercy aux assureurs qui ont accepté, après ultimatum, de geler les primes d'assurance 2021 pour de nombreux secteurs aujourd'hui en difficulté.

Olivier Chicheportiche avec AFP