"Une grande opportunité": cinq ans après le Brexit, comment les droits de douane américains pourraient favoriser le Royaume-Uni au détriment de l'UE

Deux stratégies différentes. Alors que l'administration britannique, menée par Keir Starmer, a rapidement signé un accord avec les États-Unis pour limiter la casse face aux menaces de droits de douane brandies par Donald Trump, l'UE tente toujours de négocier mais les discussions échouent pour le moment.
Londres a obtenu un niveau de droits de douane avantageux sur l'acier et l'aluminium - 25% contre 50% à terme pour les 27.
Le Royaume-Uni pourrait donc regagner en compétitivité, selon des analystes.
"Le Royaume-Uni pourrait être un grand vainqueur, indirectement", souligne Alex Altmann, directeur du cabinet de conseil londonien Lubbock Fine, auprès de CNBC.
"Si le taux de droits de douane pour l'UE finit par se rapprocher des 30%, les droits de douane américains beaucoup plus bas appliqués au Royaume-Uni constitueraient une incitation majeure pour les entreprises de l'UE à transférer une partie de leur production au Royaume-Uni ou à agrandir leurs installations existantes au Royaume-Uni", ajoute-t-il.
Londres a vécu une période économique troublée depuis le Brexit: si la sortie de l'UE lui a permis de reprendre la main sur un certain de nombre de prérogatives - à commencer par l'immigration, puisque le pays a même signé des accords polémiques avec la France - son PIB a stagné et est à ce jour 5 points plus bas qu'il ne l'aurait été sans le Brexit, selon des études.
Pire, l'Europe demeure son premier partenaire commercial - le pivot stratégique entamé vers les États-Unis n'ayant pas été amorcé. En 2024, le bloc restait ainsi le premier interlocuteur britannique, avec 51,7% des biens échangés par le pays (importations et exportations confondues), selon des données européennes.
L'industrie, c'est du temps long
Le Royaume-Uni a aussi été atteint sur ses fondamentaux, notamment dans le domaine financier. Les lobbys du secteur évoquent ainsi 440 délocalisations entre 2016 et 2021 - et des effets de long-terme, avec des firmes comme Goldman Sachs rapatriant leurs activités sur le continent. Des études plus récentes soulignent de leur coté que les effets ont été limités bien que réels - et que des effets de réseau et de cluster ont maintenu la densité du secteur à Londres.
La bonne santé de la finance reflète la réalité de l'économie britannique: ses points forts ne sont pas des secteurs exportateurs ou soumis à la menace des droits de douane, à l'inverse de l'Italie ou de l'Allemagne, dont les tissus industriels sont excessivement fragiles face à une montée des "tariffs" américains.
D'où une incertitude: le Royaume-Uni pourrait bénéficier de rapatriements d'entreprises, et en profiter pour se diversifier; mais ces relocalisations depuis l'Europe ne se feront que si les entreprises jugent compétitive l'industrie locale. Or les capacités industrielles britanniques sont en jachère.
"La réalité est que l'avantage comparatif du Royaume-Uni n'est pas dans la production manufacturière. Un décideur ne peut pas rapatrier, d'un coup, son activité depuis l'Allemagne", souligne encore auprès de CNBC Carsten Nickel, directeur du groupe de conseil Teneo.
L'industrie réclame aussi des investissements à long-terme pour être amortie. "Les effets ne se verraient que dans un horizon de plusieurs années, voire plusieurs décennies", explique-t-il. Bien après, certainement, le départ de Donald Trump de la Maison Blanche.