Une économie incapable de créer des emplois: comment peut-on vivre en Afrique du Sud, le pays qui a le plus fort taux de chômage du monde?

Des membres de la Fédération sud-africaine des syndicats (SAFTU) organisent une marche de protestation pour marquer la Journée internationale du Travail à Johannesburg, en Afrique du Sud, le 1er mai 2025. - IHSAAN HAFFEJEE / ANADOLU / Anadolu via AFP
La situation économique continue de se dégrader en Afrique du sud. Le taux de chômage ne cesse de grimper, alors qu'il se situe déjà à un niveau extrême. Il s'est élevé en juin à 33,2% et monte à 45% chez les jeunes. Cela signifie que 8,2 millions de personnes sont au chômage. Ce qui en fait de loin le pays du monde avec le plus fort taux de chômage.
Et encore ces chiffres n'incluent pas ce que les statisticiens appellent les "chômeurs découragés", c'est-à-dire ceux qui ne cherchent plus d'emploi. En les comptant, le taux de chômage élargi se situe à 43%. En fait, la moitié de la population en âge de travailler est sans emploi, ce qui représente 25 millions de personnes selon le média local IOL.
Cette situation concerne surtout les personnes noires, dans un pays encore très marqué par les inégalités raciales, trente ans après la fin de l'apartheid. 40% de la population sud-africaine vit sous le seuil de pauvreté et de très nombreuses personnes sont contraintes de survivre dans le secteur informel.
Ainsi, dans une file d'attente devant un salon d'emploi, Mondli Magwaza, 37 ans, indique à la BBC n'avoir jamais été employé et être prêt à accepter n'importe quel poste.
"Je suis désespéré", glisse-t-il au média britannique.
Le plus inégalitaire du monde
Comment la première économie d'Afrique australe a-t-elle pu en arriver là? L'Afrique du sud dispose pourtant d'atouts. "Des ressources naturelles abondantes, une agriculture commerciale performante, une industrie manufacturière puissante, compétitive et intégrée dans les chaînes de valeur mondiales, des services avancés, une industrie du tourisme développée et en croissance", énumère la Direction générale du Trésor dans une note d'analyse.
Avant la crise financière de 2008, le pays affichait d'ailleurs un taux de croissance moyen de 4,2% par an, qui aurait pu contribuer à résorber les inégalités extrêmes nées de la politique d'apartheid.
Mais la croissance s'est depuis nettement grippée. Entre 2013 et 2023, elle s’est limitée en moyenne à 0,7 % par an. Elle devrait péniblement atteindre un taux de croissance de 1% cette année selon le consensus de Bloomberg.
L'Afrique du sud est toujours l'un des pays les plus inégalitaires sur le plan des revenus. Cela se matérialise par un indice de Gini de 0,63 selon les données de la Banque mondiale. C'est le plus élevé du monde.
L'économie sud-africaine est aujourd'hui incapable de créer des emplois. Les entreprises ont même tendance à fuir le pays. Le géant de la sidérurgie ArcelorMittal a ainsi annoncé le 2 septembre la fermeture de ses activités d'acier long en Afrique du Sud. Cela pourrait entraîner la suppression d'environ 4.000 emplois.
"Capture de l'État"
En fait, l'Afrique du sud "demeure confrontée à de nombreuses difficultés structurelles, héritées de la présidence Zuma (2009-2018), qui avait été marquée par une corruption endémique désormais qualifiée de 'capture de l’État'", note la direction générale du Trésor.
Le pays, désormais dirigé par le président Cyril Ramaphosa, ancien syndicaliste ayant fait fortune à son fonds d'investissement, est également fragilisé par la vétusté de son système énergétique et en particulier électrique. Cela oblige les autorités à pratiquer régulièrement des délestages lorsque la demande excède l'offre.
L'intensité de la criminalité pèse également sur l'activité économique alors que 76 personnes en moyenne sont tuées chaque jour en Afrique du sud. Cela ampute chaque année 10% du Produit intérieur brut (PIB) du pays et accroît les inégalités, selon une étude de la Banque mondiale en 2023.
Problème supplémentaire, les États-Unis ont décidé d'appliquer des droits de douane de 30% sur les produits sud-africains, soit le taux plus élevé d'Afrique subsaharienne, après que Donald Trump ait soutenu devant le président Cyril Ramaphosa que les "fermiers blancs" étaient victimes d'un "génocide" en Afrique du sud, en utilisant comme preuve des vidéos erronées.
Ce contexte économique a considérablement fragilisé le Congrès national africain (ANC), le parti de Nelson Mandela, au pouvoir depuis la fin de l'apartheid en 1994. Il a perdu pour la première fois la majorité absolue à l'Assemblée lors des élections l'an passé.