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Peter Navarro, Scott Bessent... Qui sont les architectes de la guerre douanière de Donald Trump

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Le président américain s'est entouré de responsables parfaitement acquis à la cause de la guerre commerciale contre la Chine et l'Europe.

L'augmentation unilatérale des droits de douane est une obsession de Donald Trump depuis maintenant longtemps. Mais cette approche a été théorisée et poussée par certains proches du président américain, à l'image de Peter Navarro.

Cet économiste de 75 ans, diplômé de Harvard, directeur de l'Office of Trade and Manufacturing Policy entre 2017 et 2021, est aujourd'hui conseiller en chef pour le commerce et l'industrie du locataire de la Maison Blanche.

Depuis de nombreuses années, il ne cesse de dénoncer le déséquilibre commercial des États-Unis avec la Chine, à travers plusieurs ouvrages et articles.

Peter Navarro: le théoricien

Dans l'un d'entre eux titré "Death by China" (Mort par la Chine), il dénonce une "forme pervertie de capitalisme d'État communiste" qui débouche sur le viol de toutes les règles du libre-échange, et sur la manipulation de la monnaie chinoise. Autant d'éléments qui selon lui détruisent l'industrie américaine. Une rhétorique reprise à la lettre par Donald Trump.

"Nous nous faisons avoir par tout le monde", dénonce Peter Navarro (là encore, l'élément de langage est repris mot pour mot par Donald Trump) qui préconise donc d'actionner avec force le levier des droits de douane.

L'homme, qui est pourtant historiquement un démocrate s'est rapidement rapproché de Trump et devient pendant son premier mandat directeur du White House National Trade Council. Surtout, il prouve sa loyauté en endossant les accusations "d'élections volées" en 2020 et en soutenant les manoeuvres pour maintenir le républicain au pouvoir.

Il a même refusé de comparaître devant la commission parlementaire qui enquêtait sur l'assaut du Capitole, ce qui lui a valu quatre mois de prison. Une condamnation portée comme une médaille qui lui a ouvert les portes de nouvelles responsabilités pour le second mandat de Trump en tant que conseiller en chef.

Dès lors, on peut observer que ses théories agressives sont appliquées et amplifiées au point d'être surnommé par la presse américaine "Monsieur Tarifs" et par Donald Trump "Mon Peter".

"Nous sommes le plus grand marché du monde. Les entreprises étrangères doivent vendre chez nous. Elles baisseront leurs prix pour absorber les droits de douane", se félicitait-il récemment sur Fox News, rejetant les risques d'inflation forte pour le consommateur américain.

C'est à lui que l'on doit la prévision astronomique de gains pour l'économie américaine avec la hausse des droits de douane: 6.000 milliards de dollars sur dix ans.

Scott Bessent: le démineur

Si Peter Navarro est certainement celui qui murmure au plus près de l'oreille du président américain, d'autres hommes sont à la manoeuvre. A l'image de Scott Bessent, Secrétaire au Trésor des Etats-Unis.

Cet homme d'affaires, né en 1962, gestionnaire d'un fonds spéculatif, proche de George Soros, s'inscrit dans la droite ligne de la stratégie des hausses des droits de douane qui selon lui est un outil de négociation.

Il dénonçait en février dernier "les déséquilibres économiques et les politiques injustes de la République populaire de Chine" et plaide pour le rapport de force.

Son crédo, la théorie du "3-3-3": réduire le déficit budgétaire à 3% du PIB d’ici à 2028, stimuler la croissance à 3% grâce à la déréglementation et produire 3 millions de barils de pétrole supplémentaires par jour.

Sans oublier sa détestation du modèle européen: "Je suis très préoccupé par le fait que ce soit la dernière chance de sortir de cette dette par la croissance et de ne pas devenir une économie de type européen, surréglementée et surendettée", disait-il en 2024.

En poste au Trésor, il s'attache depuis plusieurs jours à déminer les critiques sur les conséquences de la nouvelle stratégie commerciale américaine. Les marchés dévissent? Ils "sont enclins à des trous d’air".

"Les corrections sont saines. Ce qui est malsain, c’est l’euphorie des marchés. C’est comme ça qu’on obtient une crise financière", a-t-il déclaré sur la chaîne NBC.

"A long terme, si nous mettons en place une bonne politique fiscale, une déréglementation et une sécurité énergétique, les marchés se porteront bien", poursuivait-il.

Les prix vont augmenter? Il se dit "pas inquiet au sujet de l'inflation", faisant fi des avertissements du patron de la Fed, la banque centrale américaine.

Howard Lutnik: la cheville ouvrière

Le Secrétaire au Commerce est en première ligne pour négocier avec les Etats et la Commission européenne. Pourtant, ce très proche de Trump âgé de 63 ans, ancien homme d'affaires a été le premier à avouer à Fox News qu'il ne maîtrisait absolument pas le sujet des droits de douane.

"Est-ce que Howard Lutnick comprend le commerce?", s'est alors interrogé le Wall Street Journal à sa nomination.

Le milliardaire reprend pourtant à son compte la stratégie de la hausse des droits de douane sans la moindre remise en question.

"En 1900, il n’y avait pas d’impôt sur le revenu. L’État vivait uniquement des droits de douane et le pays regorgeait d’argent. C’était ça, l’Amérique, à l’époque", résume-t-il. "Nous laissons le monde entier nous manger la laine sur le dos… Il est temps de rendre à l’Amérique sa grandeur".

Surtout, il est accusé de jeter de l'huile sur le feu auprès du président américain. "Il lui donne de mauvais conseils et pousse pour des droits de douane plus agressifs", a ainsi indiqué une source à la Maison Blanche au site Politico.

Howard Lutnik peut compter sur le soutien de Jamieson Greer, représentant des Etats-Unis pour le commerce extérieur dont la mission est on ne peut plus claire: "garantir l’équilibre et la réciprocité des relations commerciales".

Cet avocat en droit commercial de 44 ans, passé par Sciences-Po à Paris, s'inscrit également dans la stratégie mise en place par l'administration Trump et la lutte contre la Chine et l'Europe, selon lui "déconnectée de la réalité".

Il faut dire qu'il avait été le chef de cabinet de Robert Lighthizer, artisan des hausses des taxes douanières lors du premier mandat de Trump.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business