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Lutte contre la "fast fashion": le Sénat adopte un texte pour freiner l'essor des géants comme Shein et Temu

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Ce texte, qui entend lutter contre la la mode "ultra éphémère", qui devra encore faire l'objet d'un compromis entre l'Assemblée nationale et le Sénat, qui ne se sont pas encore accordés sur une version commune.

Le Sénat a adopté mardi une proposition de loi pour freiner l'essor de la "fast fashion", cette mode "ultra éphémère" incarnée par le géant Shein et ses vêtements à bas coût expédiés par millions depuis la Chine.

Un an après l'Assemblée nationale, les sénateurs ont approuvé à l'unanimité ce texte soutenu par le gouvernement, qui prévoit de définir les entreprises de la mode "ultra express", critiquées pour leur impact environnemental, de les assujettir à des obligations et de pénaliser les plus polluantes.

Députés et sénateurs devront encore s'accorder sur un texte commun avant la mise en oeuvre de la réforme, lors d'une commission mixte paritaire (CMP) attendue à l'automne. Entre temps, la Commission européenne aura été notifiée et aura pu adresser des observations à la France sur ce dossier parfois complexe.

Une "invasion" de vêtements à prix modique

Pénalités pour les entreprises polluantes, publicité interdite, obligations pour les plateformes, influenceurs sanctionnés... La proposition de loi met en place toute une panoplie d'outils pour limiter un phénomène en pleine expansion, celui de la "fast fashion", tantôt baptisée mode "ultra éphémère" voire "ultra express", terme retenu par le Sénat.

"Ce texte a deux ambitions: protéger notre environnement et protéger notre commerce", a salué devant les sénateurs Véronique Louwagie, ministre de la Consommation.

Ces derniers jours, c'est Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique, qui avait défendu cette réforme, se disant satisfaite d'une loi "aussi ambitieuse qu'on pouvait l'espérer" pour faire face à une "invasion" de vêtements à prix modique, constamment renouvelés et critiqués pour leur impact environnemental et social.

"Loi anti-Shein"?

Particulièrement visée par les sénateurs, la plateforme Shein. L'entreprise basée à Singapour se distingue des acteurs historiques de l'industrie textile par la multiplication de ses produits. Une déferlante de 7.220 nouvelles références par jour en moyenne, selon une analyse réalisée par l'AFP du 22 mai au 5 juin.

Un chiffre à comparer aux quelque 290 nouvelles références quotidiennes dans la catégorie "vêtements femmes", et 50 dans celle "vêtements hommes", du site de H&M, acteur traditionnel du secteur. L'ambition du Sénat comme du gouvernement est donc de cibler Shein plutôt que H&M, Zara ou Kiabi.

"Nous avons tracé une ligne nette entre ceux que nous voulons réguler, l'ultra mode express (...) et ceux que nous voulons préserver: la mode accessible mais enracinée, qui emploie en France, qui structure nos territoires, qui crée du lien et soutient un tissu économique local", a martelé mardi la sénatrice Les Républicains Sylvie Valente Le Hir, rapporteure sur le texte.

"Cette proposition de loi risque de faire peser la responsabilité de la durabilité sur les consommateurs, déjà confrontés à des pressions économiques, en réduisant davantage leur pouvoir d'achat", a réagi Shein immédiatement après le vote, après avoir déjà dénoncé ces derniers jours une "loi anti-Shein".

Les principaux acteurs de la mode en France ont salué, eux, "un texte ambitieux", priant les sénateurs "de ne pas céder au lobbying infernal de Shein" tentant de "saboter" le texte, selon une tribune envoyée mardi à l'AFP, également signée par le député européen Raphaël Glucksmann, le sénateur Yannick Jadot ou la secrétaire nationale de Les Ecologistes Marine Tondelier.

L'entreprise défend elle ouvertement son modèle, placardant des affiches "La mode est un droit, pas un privilège" ou organisant des rassemblements de consommateurs comme dimanche à Saint-Denis ou à Béziers.

Des pénalités pour toutes les entreprises non vertueuses

Mais si la loi entre en vigueur, elle devra se plier à d'importantes obligations, comme celle de sensibiliser les consommateurs à "l'impact environnemental" de leurs vêtements.

Aucun doute non plus sur le fait que Shein devra s'acquitter des "écocontributions" renforcées dans la loi, sur un principe de "bonus-malus" lié aux critères de "durabilité" des entreprises. Avec une pénalité qui atteindra au moins 10 euros par article en 2030.

Initialement accusé par des associations environnementales et par une partie de la gauche d'avoir "détricoté" le texte, le Sénat a finalement voté une version assez large du dispositif, car ces pénalités s'appliqueront aussi aux acteurs européens - ou français - les moins durables.

De plus, l'interdiction totale de la publicité pour la mode ultra éphémère a été rétablie après avoir été supprimée en commission, avec un volet de sanctions dédié aux influenceurs qui voudraient en faire la promotion. La conformité de ces mesures à la Constitution est néanmoins questionnée.

Enfin, le Sénat a également adopté une disposition inattendue: l'instauration d'une taxe sur les petits colis livrés par des entreprises établies hors de l'Union européenne, comprise entre deux et quatre euros. Une façon d'élargir le spectre en visant notamment un autre géant asiatique du commerce en ligne, Temu.

MC avec AFP