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Les ultra-riches quittent-ils vraiment le Royaume-Uni en masse depuis la fin d'un avantage fiscal pour les plus fortunés?

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Depuis la suppression du statut de "non domicilié" outre-Manche, plusieurs études affirment que de nombreux millionaires étrangers installés au Royaume-Uni quittent le pays pour des destinations à la fiscalité plus avantageuse.

Les ultra-riches fuient-ils en masse dès lors qu'ils sont visés par une nouvelle mesure fiscale? C'était le principal argument des détracteurs de la "taxe Zucman", ce projet (rejeté en juin par le Parlement) qui consistait à instaurer un impôt plancher de 2% sur le patrimoine des foyers fiscaux détenant plus de 100 millions d'euros.

Le même débat agite le Royaume-Uni depuis que le gouvernement a mis fin au statut de "non domicilié". Ce système fiscal avantageux permettait jusqu'alors de vivre sur le sol britannique sans y déclarer ses revenus étrangers. Sa suppression votée en octobre dernier est censée rapporter 33,8 milliards de livres sterling au cours des cinq prochaines années, selon l'Office Budget Responsability (OBR) qui reconnaît toutefois que ce montant demeure "très incertain" car il dépendra du nombre de personnes qui quitteront le pays pour éviter de payer plus d'impôts.

Des départs en nette hausse

Or les derniers chiffres publiés par le Financial Times ce mercredi semblent conforter les partisans du régime "non-dom". D'après le quotidien britannique qui s'appuie sur l'analyse de documents déposés auprès de la Companies House (l'équivalent du registre du commerce et des sociétés en France), 3.790 dirigeants d'entreprise ont quitté le Royaume-Uni entre le vote du dernier budget en octobre 2024 et juin 2025, contre 2.712 au cours de la même période un an plus tôt. Soit une augmentation de près de 40%. Ce qui représenterait au demeurant 5% des 74.000 personnes qui bénéficiaient du régime "non-dom".

Parmi les personnalités ayant quitté le Royaume-Uni ces derniers mois figurent notamment le milliardaire suisse Guillaume Pousaz, fondateur de la plateforme de paiement Checkout.com, Nassef Sawiris, homme le plus riche d'Égypte, Riccardo Silva, propriétaire du Miami Football Club ou encore John Reece, directeur financier d'Ineos.

Avec 691 départs comptabilisés, l'exode des riches résidant outre-Manche aurait atteint son pic mensuel en avril, au moment où la suppression de l'avantage fiscal est officiellement entrée en vigueur. Un chiffre en hausse de 79% par rapport au même mois en 2024, et de 104% par rapport à avril 2023, toujours selon le "FT". Pami les destinations refuges privilégiées : les Émirats arabes unis, Dubaï, l'Espagne, les États-Unis, Monaco...

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Pas de données officielles disponibles

Bloomberg observe la même tendance. L'agence de presse américaine a estimé en juin que plus de 4.400 dirigeants avaient déménagé à l'étranger au cours de l'année écoulée, soit une progression de 75%. Elle reconnaît néanmoins que tous ces chiffres sont à prendre avec des pincettes et qu'il est "difficile d'avoir des chiffres fiables". D'abord parce qu'il n'existe à ce stade aucune estimation officielle, l'administration fiscale britannique ne devant publier les premières données qu'en 2027. Ensuite parce que les motivations de chaque départ ne sont pas connues, même si la suppression du régime "non dom" en explique sans doute une partie non négligeable.

Plusieurs études sur le sujet ont d'ailleurs été critiquées ces dernières semaines. À commencer par celle de Henley & Partners qui prédit qu'un nombre record de 142.000 ultra-riches quitteront le Royaume-Uni en 2025. Des travaux qui manquent d'impartialité, a dénoncé le groupe Tax Justice Network, rappelant qu'Henley & Partners est un cabinet britannique de conseil en migration d'investissement.

Une autre étude écrite par Arun Advani, économiste à l'Université de Warwick, et citée par le Guardian, affirme pour sa part que la suppression de l'avantage fiscal pour les plus riches entraînera bien un exode "important" mais que celui-ci sera "temporaire". L'OBR enfin estime que la fin du régime "non-dom" pourrait réduire la population de "non domiciliés" de 12 à 25%. Si c'est la fourchette haute, la réforme serait alors contre-productive et se traduirait par des pertes fiscales nettes pour le gouvernement, d'après les experts.

Autant de données qui préoccupent la ministre des Finances britannique Rachel Reeves, laquelle envisagerait d'assouplir la fiscalité sur les plus riches. Notamment en revenant sur la décision de soumettre les anciens "non-doms" à l'impôt sur les successions à hauteur de 40%. Mais le gouvernement travailliste est dans une position délicate à quelques semaines de la présentation du Budget qui devra permettre de dégager d'importantes économies compte tenu de la situation des finances publiques outre-Manche.

https://twitter.com/paul_louis_ Paul Louis Journaliste BFM Eco