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Fiscalité

La France y songe, des pays l'ont fait: la taxation des riches qui veulent fuir progresse partout en Europe

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Alors qu'un nombre croissant de leurs résidents fortunés rejoignent des paradis fiscaux, certains pays européens cherchent à limiter la saignée par une hausse de l'exit tax.

Taxer les riches qui auraient l'intention de quitter le pays. Dans un contexte d'endettement massif des Etats depuis la pandémie et de ralentissement de la croissance, de plus en plus de pays y songent.

Et la France n'est pas le seul pays européen où l'idée d'un renforcement de l'exit tax fait son chemin. À travers le vieux continent, d'autres Etats sont confrontés à une hausse du nombre de départs de résidents fortunés vers des paradis fiscaux comme Dubaï, Monaco ou encore la Suisse. Pour ralentir ce phénomène, certains d'entre eux leur imposent une taxe sur la valeur de leurs actifs au moment de leur départ. Cette exit tax consiste tout simplement à prélever une partie des plus-values ou des bénéfices que ces résidents perçoivent sur leurs actifs.

Pour les pays, il s'agit d'un levier fiscal non-négligeable pour garantir la contribution des plus riches et augmenter les recettes étatiques alors que la pandémie de Covid-19 a mis les déficits publics européens sous pression et que ces recettes sont amoindries par le ralentissement de la croissance. Cependant, l'exit tax est controversée car elles obligent les investisseurs à payer de lourds impôts sur des actifs qui n'ont pas encore été vendus.

"Les clients qui possèdent des actifs illiquides et des hypothèques hésitent à les déclencher [les taxes de sorti] parce qu'ils n'ont tout simplement pas l'argent nécessaire pour payer la facture", explique à Bloomberg le fondateur d'une société de conseil en gestion de patrimoine en Pologne.

La Norvège et l'Allemagne à cheval sur le dispositif fiscal

En Europe, ce sont la Norvège et l'Allemagne s'illustrent en matière d'exit tax. Dans ce cas, Oslo prélève jusqu'à 38% des plus-values latentes et a récemment supprimé plusieurs échappatoires permettant à certains de contourner l'impôt, par exemple en restant à l'étranger pendant plus de cinq ans.

Ces dernières années, la Norvège a aussi doublé l'impôt sur les ménages les plus riches en portant à 1,1% le taux de prélèvement pour les personnes dont le patrimoine net est supérieur à 2 millions de dollars mais aussi en augmentant l'impôt sur les dividendes. Le budget 2025 a également renforcé les règles sur les dividendes pour garantir que les personnes ne puissent pas échapper à l'exit taxe en distribuant ces dividendes à l'étranger avant de revenir en Norvège alors que l'entreprise est moins valorisée.

Outre-Rhin, le taux d'imposition des plus-values latentes est de 27% en cas de départ à l'étranger : depuis la fin des années 1960, sont ciblées les personnes qui détiennent au moins 1% des actions d'une entreprise et celles qui détiennent au moins un demi-million d'euros d'actions d'un seul fonds ou d'une seule société. Fin novembre, une nouvelle disposition fiscale étend les actifs imposables aux fonds d'investissement avec des taux pouvant aller jusqu'à 45% dans certains cas même si les exonérations permettent souvent de réduire la tranche d'imposition effective.

Reste que les exemptions sont nombreuses et les Etats comme l'Allemagne échouent souvent à percevoir l'impôt dû. Bloomberg cite le cas d'un jeune start-upper détenant 800.000 euros de patrimoine et qui aurait du payer 200.000 euros de taxe en allant s'exiler aux Etats-Unis pour y poursuivre des études. En choisissant de différer le paiement, il n'a finalement rien versé du tout au fisc car il est revenu s'installer en Allemagne après ses années d'étude.

La Belgique franchit le pas, le Royaume-Uni refuse

Le gouvernement belge a lui aussi présenté en mai un projet de loi qui prévoit l'entrée en vigueur d'une exit tax dès le mois prochain afin d'imposer les particuliers à hauteur de 10% sur les plus-values réalisées en Belgique.

L'automne dernier, le parlement néerlandais a demandé au gouvernement d'envisager la piste d'un prélèvement afin de lutter contre l'évasion fiscale. Idem au Royaume-Uni où des économistes et des groupes de réflexion poussent dans ce sens. Mais le gouvernement britannique semble pour l'instant exclure l'instauration d'une exit tax alors que le pays vient d'abolir le statut de "non-domiciled" (ou "non dom") qui permettait aux grandes fortunes en activité et y vivant de ne pas payer d'impôts sur leurs avoirs étrangers.

Le Portugal a agi dans le même sens l'année dernière en mettant fin à un régime d'imposition forfaitaire qui accordait des avantages aux résidents non-Portugais sur leurs revenus étrangers et ce, pendant dix ans. Pour taxer les plus riches, la France de son côté a recours à l'impôt sur les successions et à celui sur le revenu mais aussi à une exit tax de 30% à l'encontre des personnes renonçant à leur résidence fiscale et qui détiennent des actions d'une valeur supérieure à 800.000 euros.

Cap sur l'Italie

Mais alors quels pays profitent de ces mesures en attirant les migrants aisés? Outre les Emirats arabes unis ou Monaco, la Suisse et l'Italie font partie des destinations prisées par les résidents aisés qui décident de partir. Pourtant, ces pays ne sont pas forcément à l'abri de hausses de prélèvements ciblant les plus riches. Bien que la Suisse propose un système d'impôt forfaitaire de 100.000 à 400.000 francs suisses à payer chaque année pour les non-résidents qui possèdent des actifs à l'étranger, le pays va soumettre au vote en novembre prochain l'idée d'un impôt sur les successions de 50% pour les plus riches.

Face à ces perspectives fiscales, l'Italie s'affirme un peu plus comme une destination de choix. Le pays est en effet dépourvu d'impôt sur la fortune et d'exit tax avec en revanche un impôt sur les revenus étrangers dont le seuil a doublé en un an, passant de 100.000 à 200.000 euros. "Il s'agit d'un régime assez simple", résume auprès de Bloomberg un avocat fiscaliste basé en Lombardie qui évoque l'arrivée de 4.500 personnes au cours des huit dernières années, avec une forte augmentation au cours des deux dernières.

"Les gens s'installent à Milan. C'est une ville dynamique, internationale, l'environnement des affaires est très similaire [à celui de Londres] en termes de personnes et d'énergie."
Timothée Talbi