La Hongrie et la Pologne devront bien respecter l'Etat de droit pour recevoir des fonds européens

Dernier revers pour Varsovie et Budapest. La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a définitivement rejeté les recours des deux Etats-membres de l'Union Européenne. Ils contestaient un règlement formulé par le Parlement Européen et adopté par le Conseil de l'Union Européenne (qui rassemble les ministres nationaux et représente les gouvernements des Etats-membres) le 16 décembre 2020.
Il prévoyait le conditionnement du budget européen - et donc les aides afférentes - au respect de l'Etat de droit. 15 pays européens sur 27 pouvaient diminuer les paiements à un membre ou le suspendre en cas de violations. Les deux pays de l'Est, accusés de mesures liberticides sous les régimes pilotés par Mateusz Morawiecki et Viktor Orban, ne souhaitaient se voir imposer une telle mesure.
Les Européens reprochaient plusieurs éléments aux deux pays: côté hongrois, la Commission a évoqué des problèmes relatifs à la passation de marchés publics, des conflits d'intérêts et la corruption. Concernant Varsovie, sont visées les atteintes à l'indépendance des juges et la remise en cause de la primauté du droit européen et des décisions de la CJUE.
Des bases juridiques solides
La CJUE estime dans son avis que le règlement est valable, parce qu'il protège le budget plus qu'il ne sanctionne les Etats. Accorder des crédits à des Etats ne respectant pas les principaux fondamentaux de l'UE reviendrait à bonne gestion financière du budget de l’Union et les intérêts financiers reviendrait à mal gérer l'argent européen :
Le règlement vise à protéger le budget de l’Union contre des atteintes découlant de manière suffisamment directe de violations des principes de l’État de droit, et non pas à sanctionner, en soi, de telles violations.
Autre point relevé par la Cour : le règlement ne contourne pas les règles imposées par les traités, comme le supposaient ses deux adversaires. L'article 7 du Traité sur l'Union Européenne (TUE), adopté à Maastricht en 1993, donne le droit au Conseil de suspendre un membre dans ses droits de vote, à l'unanimité, en cas de violation grave de l'Etat de droit. Complexe à mettre en place, il n'est en pratique pas utilisable. Et, selon la CJUE, le nouveau règlement, en ne portant que sur le budget, n'a pas le même but.
La procédure dite de l’article 7 TUE et celle instituée par le règlement poursuivent des buts différents et ont chacune un objet nettement distinct.
Pression sur la Commission Européenne
La Pologne a aussitôt dénoncé une "attaque contre (sa) souveraineté". La Hongrie, par la voix de sa ministre de la Justice Judit Varga, a fustigé une "décision politique" liée à la loi sur l'homosexualité adoptée cet été à Budapest, très critiquée au sein de l'Union européenne.
Berlin s'est à l'inverse félicité d'un arrêt qui "renforce notre communauté de valeurs", quand le Secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, chargé des Affaires européennes, Clément Beaune, a salué une "étape essentielle".
La pression est désormais placée sur la Commission Européenne, la seule habilitée à activer le règlement. Elle attendait l'avis de la Cour avant d'agir, alors que le règlement est en vigueur depuis le 1er janvier 2021. Depuis des mois, le Parlement européen s'impatiente. Il a même engagé un recours pour inaction contre la Commission. La présidente de la Commission, Ursula Von der Leyen s'est engagée, en relayant l'avis, à "agir avec détermination".
Mais le déclenchement d'une telle procédure pourrait prendre des semaines, voire plus. La Commission veut encore finaliser des "lignes directrices" pour la mettre en oeuvre. Et le déroulement le 3 avril d'élections législatives en Hongrie où le Premier ministre souverainiste Viktor Orban fera face à une alliance de l'opposition, complique la donne, Bruxelles craignant d'être accusé d'ingérence.
Le mécanisme s'applique aux fonds versés dans le cadre du budget européen, qui constituent des sommes conséquentes pour ces deux pays -ils figurent parmi les principaux bénéficiaires nets des fonds européens-, ainsi qu'aux plans de relance post-Covid. Ceux de la Pologne et de la Hongrie n'ont toujours pas été approuvés.