La consommation c'est 55% du PIB en France et seulement 32% en Chine: Pékin veut que les Chinois achètent plus (mais n'y arrive pas)

Le premier ministre chinois Li Qiang le 23 mars 2025 à Pékin. - Adek BERRY / POOL / AFP
Li Qiang y croit. Pour le Premier ministre chinois, son pays peut devenir "une puissance majeure de la consommation" alors qu'il va "mettre en œuvre une stratégie pour développer la demande intérieure", a-t-il indiqué ce mardi 25 juin lors du Forum économique mondial à Tianjin (Chine).
Cette ambition est martelée ces derniers mois par Pékin, qui promet d’équilibrer davantage son modèle économique, jusqu’ici très orienté vers les exportations de produits industriels au détriment de la consommation des ménages.
En Chine, la consommation des ménages ne représente que 32% du PIB, indique la Direction générale du Trésor. A titre de comparaison, en France c'est 55% (et cette donnée explique 30% de la variation du PIB chaque trimestre. Et aux Etats-Unis, la consommation représente plus de 64% du PIB et a même grimpé ces dernières années à près de 69%. La Chine accuse donc un retard flagrant sur les économies occidentales.
Aux yeux de nombreux observateurs, ce déséquilibre structurel est devenu plus problématique. Vu de Chine, les tensions commerciales croissantes pourraient freiner les exportations du pays, et donc sa croissance (estimée autour de 5% cette année).
Vu du reste du monde, en particulier vu d'Europe, l'excédent commercial chinois (près de 1.000 milliards d’euros) risque de provoquer un choc de concurrence, faisant disparaître de très nombreux emplois. Les pays européens ont donc aussi intérêt à ce que la demande augmente en Chine, pour absorber davantage l'énorme production industrielle du pays de Xi Jinping.
Des subventions à gogo
Depuis l’an dernier, une série de mesures ont été déployées pour stimuler la demande intérieure, à travers des réductions de taux directeurs et la suppression de certaines restrictions sur l'achat de logements.
Pékin a aussi débloqué 41 milliards de dollars, notamment affectés à des subventions - financées par de la dette publique - pour l’achat de certains produits (voitures, smartphones, électroménagers…).
Ce plan vise à booster les ventes et les prix au détail alors que la Chine est coincée dans une dynamique de déflation, tout aussi problématique (voire plus) que l'inflation dont ont souffert les consommateurs européens.
Les premiers effets positifs semblent avoir été observés au printemps. Les ventes au détail ont progressé de 6,4% en mai, a rapporté Bloomberg. Les achats d'appareils électroniques ont bondi de 53% par rapport à l'année précédente, soit le rythme le plus rapide jamais enregistré. Les ventes de téléphones portables et autres équipements de communication ont aussi crû de 33%.
L’agence Bloomberg ajoute toutefois que les fonds de subventions de certaines régions sont déjà épuisés.
"Cela souligne la nécessité d'une allocation de fonds supplémentaires si les autorités souhaitent soutenir cette frénésie de dépenses", analyse Bloomberg.
La confiance des consommateurs est toujours en berne. Elle reste plombée par le crash des prix de l’immobilier qui a englouti une partie significative de l’épargne des ménages. Une relance durable suppose donc sans doute plus qu’un coup de pouce ponctuel.
Le modèle touche à ses limites
Ce déséquilibre est un problème ancien en Chine. Structurellement tournée vers la production industrielle et les exportations, son économie penche plutôt vers l'investissement que la consommation. Cette situation n'a pas sensiblement évolué, malgré le développement observé depuis les années 1980.
"Il n'y a pas eu de processus de rééquilibrage en Chine, contrairement aux autres pays asiatiques", notait l’économiste François Chimits lors d’une conférence du Cepii (Centre d'études prospectives et d'informations internationales) en janvier.
Ce dernier relevait que les revenus des travailleurs chinois sont nettement moins importants que ceux de leurs voisins et que le système social y est très faible par rapport au niveau de développement.
A long terme, "c'est un problème majeur pour la soutenabilité de l'économie chinoise, estimait François Chimits. Le productivisme pèse très lourdement sur la dynamique démographique, et notamment sur les naissances."
Malgré des initiatives pour booster la natalité, la Chine devrait se dépeupler d'ici la fin du siècle. Le nombre d'habitants va y être divisé par deux (de 1,4 milliard en 2025 à 633 millions) selon les estimations de l'Ined (Institut national d'études démographiques).