BFM Business
International

En Chine, les entreprises se heurtent au flou des règles de sécurité nationale

placeholder video
Les entreprises étrangères comme nationales qui opèrent en Chine ont de plus en plus de mal à savoir ce qui est permis ou non. Pour le pays asiatique, la sécurité nationale prime même si elle peut nuire aux investissements étrangers.

Opérer en Chine devient plus incertain voire risqué pour les entreprises, priées de se conformer à des règles floues en matière de sécurité nationale, alors même que Pékin vante sa réouverture après la parenthèse Covid.

L'incertitude face aux règles anti-espionnage

De récents amendements à la loi anti-espionnage, qui entreront en vigueur le 1er juillet, élargiront la notion d'espionnage et interdiront le transfert hors des frontières chinoises d'informations liées à la sécurité nationale.

Une situation floue qui inquiète les entreprises chinoises et étrangères présentes en Chine, qui se posent la même question: comment savoir désormais ce qui est permis ou interdit?

"Les entreprises se démènent pour établir des protocoles afin de protéger leur personnel. Mais les définitions sont trop vagues", déclare à l'AFP un employé d'un grand cabinet international d'audit.

"Personne ne sait s'il a franchi une ligne rouge ou non. Ni où se trouve cette ligne rouge."

Les bureaux de Mintz Group fermés; cinq employés arrêtés

Une ligne rouge, la société américaine d'audit Mintz Group en a franchi une: en mars, la police a fait fermer ses bureaux à Pékin et arrêté cinq membres de son personnel.

Le mois suivant, le géant américain du conseil en stratégie et gestion Bain & Company a indiqué que des employés à Shanghai avaient subi un interrogatoire des autorités.

Un nouveau signal d'alerte est venu la semaine dernière d'un reportage de 15 minutes de la télévision d'Etat CCTV consacré à Capvision, qui dirige le plus grand groupe de réseaux d'experts de Chine.

Les autorités y ont expliqué que les perquisitions dans plusieurs bureaux de l'entreprise s'inscrivaient dans une campagne plus vaste visant à réorganiser le secteur du conseil.

Ces événements "envoient un signal inquiétant et renforcent l'incertitude ressentie par les entreprises étrangères présentes en Chine", déplore auprès de l'AFP la Chambre de commerce de l'Union européenne à Shanghai.

"Les récents développements ne sont pas de nature à restaurer la confiance ou à attirer les investissements étrangers", souligne-t-elle.

Une pression qui n'est pas nouvelle

Tout est une question de priorité, note Jeremy Daum, de la faculté de droit de l'université Yale aux Etats-Unis.

"La Chine estime qu'il existe des menaces légitimes à sa sécurité nationale et la primauté sera toujours donnée à la lutte contre ces menaces, plutôt qu'au reste", souligne-t-il.

Lester Ross, avocat basé à Pékin, rappelle que les organismes chargés de la sécurité d'État font pression depuis longtemps pour que les secteurs collectant de grandes quantités de données fassent l'objet d'un contrôle plus strict.

Et quelles conséquences avec la loi anti-espionnage? Difficile à dire, car la définition initiale de l'espionnage était déjà si large que "l'impact de sa définition élargie n'est pas clair dans l'immédiat", estime Jeremy Daum.

Ce flou "rend parfois difficile l'évaluation complète du risque" par les entreprises, ce qui "entraîne inévitablement" sur elles "un effet dissuasif", déclare-t-il à l'AFP.

"Les entreprises doivent être beaucoup plus prudentes vis-à-vis de leur collecte d'informations" et de leurs sources, résume Lester Ross.

Selon Bloomberg, le gouvernement a également demandé aux entreprises publiques de mettre progressivement fin à leurs contrats avec les quatre grands cabinets comptables (Deloitte, KPMG, EY et PwC).

Cette dissonance entre les récents événements et l'ambition du gouvernement d'attirer les capitaux étrangers a accru le sentiment d'incertitude.

O.B. avec AFP