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Comment la Russie conserve une croissance forte malgré la guerre en Ukraine

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Loin d'être paralysée après deux ans et demi de guerre, l'économie russe est toujours en croissance cette année. Le PIB devrait augmenter 3,2% en 2024 selon le FMI.

"Nous avons la croissance et eux le déclin", déclarait Vladimir Poutine en janvier. Quelques mois plus tard, la première partie de sa sentence semble se vérifier. Le produit intérieur brut russe devrait augmenter de 3,2% cette année, "soit nettement plus qu’au Royaume-Uni, en France et en Allemagne", souligne le FMI.

L’épicentre de cette croissance réside dans l’industrie. Depuis le début de l’invasion en Ukraine, l’État a massivement investi dans le domaine de la défense et notamment dans la production d’armement. Les salaires ont été augmentés pour attirer la main d'œuvre. Bref, l’économie de guerre a permis de soutenir les revenus des ménages et donc la consommation. Une situation qui permet au chef du Kremlin de rappeler que son économie résiste aux sanctions.

Pour ses prévisions le FMI table sur "le maintien de deux facteurs: celui des dépenses militaires à un niveau élevé qui stimulent l'ensemble de la consommation et des prix stables pour les hydrocarbures russes, donc des revenus budgétaires importants", selon la chercheuse Tatiana Kastoueva-Jean.

En juillet, la Banque mondiale a placé à nouveau la Russie sur la liste des pays "à revenus élevés", pour la première fois depuis 2014.

Une inflation qui fait rage

Les sanctions internationales n'ont par ailleurs pas entraîné de pénurie dans les magasins russes. Les rayons des supermarchés sont pleins mais, en revanche, les prix sont élevés. Ils ont grimpé de 8,6% en juin sur un an et cela devrait continuer. Pour tenter d'enrayer cette inflation galopante, la banque centrale russe a finalement récemment relevé son taux directeur, le faisant passer de 16 % à 18%.

Le pays fait aussi face à des pénuries de main-d'œuvre dans de nombreux secteurs non directement liés à la défense. Pourtant, plusieurs analystes s’accordent à dire que Vladimir Poutine n’aurait pour l’heure aucun intérêt, à sortir de cette économie macabre.

Le Kremlin investit beaucoup d’argent dans le recrutement des soldats

Le pouvoir enrôle constamment des nouveaux hommes en offrant des sommes très élevées. Selon les autorités, environ 200.000 russes se sont portées volontaires durant les six premiers mois de l'année 2024.

Et pour séduire encore davantage, Vladimir Poutine a doublé la prime mensuelle versée aux recrues en la faisant passer à 400.000 roubles, soit 4.000 euros. Les volontaires reçoivent également des primes lorsqu'ils participent à des offensives ou détruisent des chars et d'autres armes ennemies.

Ces revenus sont non imposables et assortis parfois de privilèges comme un accès à de prestigieuses universités du pays sans examen d’entrée et encore des prêts immobiliers à taux préférentiels.

Caroline Loyer : Russie, la bonne santé de l'économie de guerre - 10/09
Caroline Loyer : Russie, la bonne santé de l'économie de guerre - 10/09
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Par ailleurs, le montant de la prime de décès peut s’élever jusqu’à 11 millions de roubles, selon les régions. C’est plus de 100.000 euros. Sauf que pour que les familles perçoivent cette somme, la dépouille doit avoir été récupérée et ce n’est pas toujours le cas. Environ un tiers des soldats morts ne sont pas identifiés. Dans les colonnes du Monde, l’économiste russe Vladislav Inozemtsev parle d’une "économie de la mort".

"Depuis toujours, les Russes étaient envoyés à l’armée sous la contrainte ou par patriotisme. Vladimir Poutine a créé une réalité complètement nouvelle", dit-il.

Aujourd’hui, signer un contrat avec l’armée c’est s’assurer de gagner dix fois le salaire minimum.

Caroline Loyer