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Baisse des salaires de 10%, déficit chronique... Pourquoi le pape François menait une politique d'austérité au Vatican

Un employé passe l'aspirateur sur le tapis rouge autour de la chaise du pape François avant une célébration pénitentielle le 1er octobre 2024 à la basilique Saint-Pierre au Vatican.

Un employé passe l'aspirateur sur le tapis rouge autour de la chaise du pape François avant une célébration pénitentielle le 1er octobre 2024 à la basilique Saint-Pierre au Vatican. - AFP

Depuis plusieurs années, le Vatican fait face à des baisses de recettes importantes (principalement les donations) et le pape François avait dû plusieurs fois tailler dans les dépenses de l'État pour tenter de réduire le déficit qui se montait en 2023 à 7% du Budget.

Chef spirituel des catholiques de la planète, le pape François était aussi un chef d'État. Le pape est en effet le dirigeant du Vatican, le plus petit État du monde situé en plein coeur de Rome sur 44 hectares (dont un tiers de jardins).

À ce titre, le souverain pontife exerce les pouvoirs absolus (exécutif, législatif, judiciaire). Il reçoit également les chefs d'État et de gouvernement au Vatican, encore ce week-end pascal avec la visite du vice-président américain JD Vance.

Mais comme tout chef d'État, le pape François devait aussi consacrer son temps à des activités profanes au rang desquelles la gestion économique de sa cité.

La curie romaine (sorte de gouvernement du Vatican) est composée de plusieurs dicastères qui sont les équivalents des ministères d'un État. Or depuis quelques années, c'est le dicastère de l'Économie qui était annonciateur des plus mauvaises nouvelles.

En novembre dernier, il avait ainsi décrété une baisse d'environ 10% des rémunérations des 18 cardinaux à la tête d'un dicastère en supprimant les frais de secrétariat et autres dépenses personnelles. Un cardinal dirigeant un "ministère" perçoit environ 5.000 euros par mois.

Objectif "déficit zéro"

Quelques mois plus tôt, le pape s'était directement adressé à l'ensemble des cardinaux pour les engager à contribuer à la réduction du déficit budgétaire du Vatican.

"Des efforts supplémentaires de la part de tous sont désormais nécessaires pour qu'un "déficit zéro" ne soit pas seulement théorique, mais aussi effectif", écrivait ainsi en septembre le pape François.

Et ce n'était pas les premières mesures d'austérité de son pontificat. En 2021, une première baisse de 10% des revenus avait été demandée aux 227 cardinaux. Les autres salariés de la curie romaine (secrétaires et autres salariés des dicastères) avaient eux subi des coupes de 8%. Les religieux du Saint-Siège avaient de leur côté vu leur fiche de paie diminuer de 3%.

Il faut en outre préciser que les salaires versés aux employés laïcs du Vatican sont défiscalisés, que les soins médicaux sont totalement gratuits et que par ailleurs les syndicats n'ont pas droit de cité.

En d'autre terme, un État très protecteur pour ses citoyens et ses fonctionnaires mais au prix d'une santé financière alarmante. Le dernier chiffre officiel communiqué par le Vatican faisait état en 2023 d'un manque à gagner de 83,5 millions d'euros sur un Budget de 1,2 milliard, soit un déficit de 7%. Un déficit qui oscille depuis plusieurs années entre 50 et plus de 80 millions d'euros par an.

Le Vatican qui a dans l'imaginaire collectif l'image d'un État assis sur une manne financière colossale est en fait une cité qui a des difficultés financières chroniques. Ses dépenses d'environ 1,2 milliard d'euros par an (520 millions pour le personnel, 530 millions pour le fonctionnement et 120 millions pour la charité) ne sont pas couvertes par des revenus insuffisants et surtout en déclin.

Le Vatican dépend des dons

Les dons représentent la première recette de la curie (240 millions d'euros) mais sont en constante baisse. Suivent les revenus locatifs et commerciaux (moins de 200 millions par an) et les revenus divers comme le musée du Vatican et autres ressources.

Un déficit du budget de fonctionnement auquel s'ajoute celui... des retraites. Le fonds de pension du Vatican créé par Jean Paul II et qui concerne 5.000 bénéficiaires serait sous-capitalisé. Selon les estimations citées par le Figaro, le déficit de ce fonds serait compris entre 350 millions et un milliard d'euros.

Certes, le Vatican dispose d'un important patrimoine immobilier et d'oeuvres historiques estimé à 4 milliards d'euros. Le plus petit État du monde avait communiqué en 2021 son nombre de propriétés immobilières. Dans un document de l'Administration du patrimoine du Saint-Siège (APSA) qui joue le rôle de trésorier, on pouvait ainsi lire que le Vatican possède 5.000 propriétés dans le monde dont 4.000 en Italie.

Mais seulement 14% environ de ses propriétés italiennes sont louées aux prix du marché tandis que les autres affichent des tarifs réduits, pour beaucoup réservés à des employés de l'Église. Autrement dit, la curie ne peut pas tirer beaucoup plus de revenus de ce patrimoine.

Les derniers jours avant son hospitalisation en février, le pape François avait ordonné la création d'une fondation pour centraliser et cibler les donations au Saint-Siège. Une sorte de fonds mondial pour inciter les 1,4 milliard de catholiques de la planète à davantage participer au financement de l'Église de Rome.

Le futur pape aura donc aussi la lourde tâche d'assainir les finances du Vatican.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco