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"Aucun bénéfice en 2017 mais des hausses de prix": pourquoi Trump relance la guerre de l'acier dans le monde

Des ouvriers retirent les scories du haut fourneau d'une usine qui produit de l'acier destiné à l'exportation à Anyang, dans la province centrale du Henan en Chine, le 12 février 2025. Une nouvelle vague de droits de douane américains, qui doit entrer en vigueur le 11 mars 2025, entraînera des prélèvements de 25 % sur les importations d'acier et d'aluminium.

Des ouvriers retirent les scories du haut fourneau d'une usine qui produit de l'acier destiné à l'exportation à Anyang, dans la province centrale du Henan en Chine, le 12 février 2025. Une nouvelle vague de droits de douane américains, qui doit entrer en vigueur le 11 mars 2025, entraînera des prélèvements de 25 % sur les importations d'acier et d'aluminium. - AFP

Alors que les droits de douane de 25% sur l'acier sont effectifs depuis ce matin, retour sur la précédente tentative de bataille commerciale de l'acier lancée par Donald Trump et sur les difficultés rencontrées par le secteur aux Etats-Unis mais aussi en Europe.

Les droits de douane de 25% sur l'acier importé aux Etats-Unis devenus effectifs mercredi compliquent la donne sur ce marché, stratégique pour les gratte-ciels ou l'automobile, et déstabilisé par le manque de compétitivité de la filière historique des hauts-fourneaux face aux recycleurs d'acier.

Lors de son premier mandat (2017-2021), le président américain avait déjà imposé des droits de 25% sur l'acier, et de 10% sur l'aluminium, pour tenter de protéger l'industrie américaine et ses électeurs, dont beaucoup viennent de la Rust Belt industrielle dans le Middle West. Les 12 derniers hauts-fourneaux en service aux Etats-Unis appartiennent à US Steel, basé à Pittsburgh (Pennsylvanie), et Cleveland Cliffs (Ohio).

Mais cette mesure a eu un impact très limité, souligne Ruben Nizard, économiste chez l'assureur Credit Coface. Certes, les importations américaines d'acier ont baissé de 24% sur la période et celles d'aluminium de 31% selon un bilan de la commission du commerce internationale américaine.

"Mais aucun bénéfice clair n'est apparu ni en termes d'emploi ni en terme de production, et les prix ont augmenté", nourrissant l'inflation, souligne Ruben Nizard.

De fait, "l'acier européen plat est aujourd'hui à 600 dollars la tonne et l'acier américain à 900 dollars", complète Marcel Genet du cabinet Laplace Conseil, spécialisé dans l'acier.

Qui exporte de l'acier vers les Etats-Unis?

La planète a produit 1,84 milliard de tonnes d'acier brut l'an passé (-0,9% par rapport à 2023), dont plus de la moitié (1 milliard) vient de Chine, premier sidérurgiste mondial, selon le dernier bilan de l'association World Steel portant sur 71 pays représentant 98% de la production mondiale.

Les Etats-Unis sont le quatrième producteur mondial, avec 79,5 millions de tonnes (-2,4%).

Ils sont parallèlement le deuxième importateur mondial, avec 26,4 millions de tonnes importées en 2023, juste derrière l'Union européenne (39,2 millions).

Les Etats-Unis s'approvisionnent en premier lieu au Canada, avec 5,95 millions de tonnes importées en 2024, selon le ministère américain du commerce. Derrière, arrivent le Brésil (4,08 millions) et l'UE (3,89 millions).

Le Mexique fournit 3,19 millions de tonnes, la Corée du Sud 2,5 millions, devant le Vietnam, le Japon et Taiwan, tous autour d'un million, et la Chine environ 470.000 tonnes.

Pourquoi Trump parle-t-il de concurrence déloyale?

Les prix mondiaux de l'acier avaient beaucoup baissé depuis un an en raison d'une surcapacité mondiale.

D'après l'OCDE, l'excédent mondial d'acier oscille entre 500 et 560 millions de tonnes. La majorité vient de Chine ou de sidérurgistes chinois installés en Asie du sud-est qui inondent les marchés, se plaignent les industriels européens et américains qui soupçonnent la Chine de massivement subventionner sa production.

L'économie de l'acier, qui était cyclique depuis 50 ans, est désormais face à un problème "structurel" de surcapacité, soulignent des experts.

Cette analyse est toutefois contestée par certains comme Marcel Genet, pour qui les problèmes de l'acier viennent surtout de la non compétitivité des vieux hauts-fourneaux qui produisent de l'acier dit "primaire" à base de minerai de fer et de charbon, face à l'acier issu de ferrailles recyclées dans des fours électriques, beaucoup moins cher à produire.

"Les entreprises intégrées à hauts-fourneaux traditionnelles n'ont pas les moyens de financer leur transition énergétique, c'est-à-dire le remplacement du charbon (par du gaz ou de l'hydrogène, NDLR), sans aide massive de leurs Etats respectifs", dit-il.

De plus, les sidérurgies européenne et nord-américaine sont maintenues sous tension par la baisse de leurs exportations d'acier depuis 50 ans, alors que les pays émergents ont développé progressivement leurs filières, notamment au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, souligne Marcel Genet.

L'Europe en surcapacité

US Steel, en difficulté, a fait l'objet d'une tentative de rachat par Nippon Steel, bloquée par Joe Biden puis par Donald Trump.

En Europe, où il reste une cinquantaine de hauts-fourneaux selon Marcel Genet, l'allemand ThyssenKrupp a annoncé des milliers de suppressions d'emplois. Deux hauts-fourneaux de Duisbourg appartenant à HKM sont menacés de fermeture. Ceux de Tarente en Italie, qui furent les plus grands d'Europe, ne produisent plus que 2 millions de tonnes par an pour une capacité de 12 millions.

En Europe, la plupart des hauts-fourneaux fonctionnent d'ailleurs à moins de 70% de leur capacité et ont annoncé la suspension de leurs projets d'investissement massif dans la décarbonation.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi avec AFP Journaliste BFM Éco