BFM Business
International

-20 points d'inflation mais 3,5% de récession… Après un an, le bilan mitigé du président argentin Javier Milei

placeholder video
Le président argentin Javier Milei a mené des réformes brutales sur le plan économique, afin de redresser le pays. Un an après son élection, voici cinq chiffres pour décrypter le bilan de ses décisions ultra libérales. S'il y a des avancées notables, le bilan reste mitigé.

L'ultra libéral Javier Milei, ancien économiste, a été élu il y a un an à la tête de l'Argentine, dans un contexte de récession et d'ultra inflation. Celui qui avait promis de gouverner avec sa "tronçonneuse" pour couper dans les dépenses publiques et redresser les comptes du pays a mis en place un certain nombre de réformes ultra-libérales.

Un an après, l'heure est au premier bilan. Nous avons retenu cinq chiffres pour décrypter l'action du président argentin et ses résultats.

· De 25,5% à 2,7%: le taux d’inflation mensuelle a chuté

C’est une des victoires, si ce n'est la plus grande, du président argentin Javier Milei: sa politique monétaire restrictive a permis de réduire drastiquement l’inflation. Elle reste une des plus élevées au monde à 193% en interannuel. Mais à coups de "tronçonneuse" dans les comptes publics, d'émission monétaire asséchée, de subventions taries, l'inflation a été endiguée à 3-4% mensuels contre 17% en moyenne l'an dernier. En octobre, l'inflation plafonnait même à 2,7%, contre 25,5% au moment de l'élection présidentielle en décembre 2023.

Résultat, les Argentins ne vont plus à la supérette avec la hantise d'étiquettes bondissant d'une semaine sur l'autre.

"C'est un mieux important en termes psychologique, d'attentes de la vie quotidienne. Si l'on compare fin 2023 à fin 2024 (...) il y a là une réussite fondamentale", tranche Gabriel Vommaro, politologue de l'Université San Martin.
L’Edito de Raphaël Legendre : Javier Milei, le bilan un an après - 15/11
L’Edito de Raphaël Legendre : Javier Milei, le bilan un an après - 15/11
4:01

· 15 milliards de dollars d’excédent commercial

La politique menée par le président en matière de taux de change a permis de rétablir les comptes extérieurs. Javier Milei a déprécié de 2% par mois la valeur du peso, après une dévaluation de 54% en décembre 2023. L'introduction d'un taux de change préférentiel a incité les exportateurs à vendre les récoltes stockées.

Cela a permis de dégager un excédent commercial de 15 milliards de dollars sur les 9 premiers mois de l’année 2024. À titre de comparaison, en 2023, le déficit était de 7 milliards de dollars. Les exportations argentines ont progressé de 15% sur un an, soutenues par d'excellentes récoltes agricoles après la sécheresse de 2023.

· 0,4%: l’excédent budgétaire sur les trois premiers trimestres

En 2023, l'Argentine enregistrait un déficit budgétaire de 5,4%. La tronçonneuse est passée par là et le pays a connu cinq mois consécutifs d'excédent budgétaire pour commencer 2024. Un succès dû en grande partie aux larges coupes effectuées dans les dépenses publiques.

Le gouvernement a mis fin à des chantiers publics, augmenté certaines taxes ainsi que les prix de l’électricité et des transports (le prix du ticket de métro a été multiplié par sept) et a coupé les dotations de l’État central aux provinces.

"Cette politique d’austérité budgétaire pourrait cependant ne pas être tenable sur le long terme. Les dépenses d’investissements sont en effet nécessaires pour assurer la croissance à moyen-long terme du pays", analyse Bpifrance.
Nicolas Doze face à Jean-Marc Daniel : Vive l'Argentine ? - 18/01
Nicolas Doze face à Jean-Marc Daniel : Vive l'Argentine ? - 18/01
6:23

· +5,3 millions d'Argentins en situation de pauvreté

Conséquence de ces nombreuses coupes dans les dépenses, le gouvernement est critiqué car la situation sociale s’est dégradée. Près de 180.000 emplois ont été perdus, dont 33.000 dans le public, faisant remonter le taux de chômage de 6,6% fin 2023 à 8,3% actuellement.

Le taux de pauvreté est passé de 41,7% au second semestre 2023 à 52,9% au premier semestre 2024: 5,3 millions d’Argentins ont basculé dans la pauvreté en six mois en raison de la baisse des salaires réels et de certaines prestations sociales.

"Le coût socio-économique a été énorme […] la question clé est de savoir si les coûts seront temporaires ou durables", souligne Gabriel Vommaro.

"Les gagnants sont le secteur primaire, mine, pétrole, à un certain degré agriculture et le secteur financier", diagnostique le politologue de l’Université San Martin. "Les perdants: secteur public, santé, éducation, science, les retraités […] et le commerce avec la chute de la consommation."

· -3,5%: sévère récession en 2024

Déjà, en 2023, l’activité économique était en recul en Argentine (-1,6%). En 2024, elle s’est encore dégradée, la récession en fin d’année étant attendue à 3,5%. Les principales raisons: baisse de la consommation des ménages de 8,2%, et baisse de l’investissement de 26,7%, selon les chiffres de la Direction générale du Trésor en France.

La poursuite de l’inflation, même plus modérée qu'avant, a été le principal moteur de la baisse de la consommation, couplée à une chute des salaires réels de 19% au premier semestre 2024 (par rapport à l’année précédente). Parallèlement, l’investissement a souffert de l’arrêt des financements publics, particulièrement dans les infrastructures.

Sur le plan des échanges commerciaux, les exportations ont augmenté de 15%, grâce à l'amélioration des conditions climatiques et au taux de change préférentiel, tandis que les importations ont diminué de 19,2%, contribuant à limiter l’ampleur de la récession.

Du côté de l’offre, certains secteurs primaires ont montré de bonnes performances: l’agriculture (+49,5 %) et l’exploitation minière (+7,4%). Cependant, la majorité des autres secteurs ont décliné, avec des reculs marqués dans l'industrie (-16,6%), le commerce (-12,6%), et la construction (-21%). Ces tendances reflètent l'impact généralisé des politiques d’austérité et des conditions économiques difficiles.

Un "fort rebond" à prévoir

Le bilan s’avère donc mitigé après un an au pouvoir pour l’ultra-libéral Javier Milei. S'il a endigué l'inflation galopante et redressé nettement les comptes publics, sa politique a aussi freiné l'investissement et laissé des millions d'Argentins sur le carreau.

Mais pour la direction générale du Trésor, un "fort rebond" est à prévoir pour 2025 en Argentine, avec une croissance attendue à 5% par le FMI et 3,6% selon l’enquête de la Banque centrale auprès des opérateurs de marché.

La récession "est déjà finie et le pays recommence a croître", martèle Javier Milei.

Quelques voyants, comme l'activité industrielle et les ventes de détail, sont timidement au vert depuis peu.

Mais l'Argentine est aussi aidée à l'extérieur. Le FMI, auquel l'Argentine rembourse un prêt massif de 44 milliards de dollars, a revu en octobre ses conditions d'emprunt, avec une forte baisse des charges intérêts. Bénédiction pour un pays chroniquement endetté, dont les gouvernements réclamaient ce geste depuis des années.

Louise de Maisonneuve avec AFP