BFM Business
Economie

"Gel de la réforme des retraites": ça changerait quoi pour vous et combien ça coûterait?

placeholder video
Plutôt que d'abroger la réforme des retraites, Olivier Faure du PS propose de la geler en l'état et de réfléchir sur les modalités de financement. Certaines personnes pourraient ainsi partir à la retraite jusqu'à un an et demi plus tôt, mais un tel gel serait très coûteux pour les finances publiques.

C'est une proposition qui a fracturé l'union de la gauche. La semaine dernière, Olivier Faure a proposé dans le cadre de son "pacte de non censure sur le Budget" un gel de l'actuelle réforme des retraites.

Alors que jusqu'à présent le ciment de l'union des partis de gauche était l'abrogation de la réforme de 2023, le premier secrétaire du PS entrouvre la porte d'un compromis. L'idée serait donc de geler le report de l'âge en l'état et de lancer une réflexion sur le mode de financement du système de retraites.

Rappelons que la réforme en application depuis l'année dernière consiste en un report progressif de l'âge légal de départ à raison d'un trimestre par an. Le nombre de trimestres de cotisation requis pour bénéficier du taux plein (sans décote) doit lui aussi augmenter passant de 42 ans (168 trimestres) avant la réforme à 43 ans (172 trimestres) à horizon 2027.

Le gel consisterait donc à laisser en l'état de 2024 le système des retraites. Les premiers concernés par la réforme entrée en vigueur le 1er septembre 2023 sont les personnes nées après le 31 août 1961. Pour toutes celles d'avant, l'âge légal est resté à 62 ans et le nombre de trimestres requis à 167 ou 168 (les personnes nées entre le 1er janvier et le 31 août 1961).

Qui bénéficierait du "gel"?

Rien ne changerait donc pour les personnes nées entre le 1er septembre et le 31 janvier 1961. Elles sont déjà concernées par la réforme. Pour partir à la retraite à taux plein, elles doivent avoir cotisé 169 trimestres (42 ans et un trimestre) et avoir plus de 62 ans et 3 mois. Rien ne changerait non plus pour celles nées en 1962. Celles-ci sont concernées par les conditions entrées en vigueur en 2024 à savoir un âge de 62 ans et 6 mois ainsi que 169 trimestres cotisés pour le taux plein.

Le projet socialiste consisterait donc à geler les systèmes en l'état. Tous les Français pourraient dorénavant partir à la retraite à 62 ans et demi et bénéficier du taux plein avec 169 trimestres.

Les premiers "bénéficiaires" de ce gel seraient donc les personnes nées en 1963 et au-delà et qui comptaient partir à la retraite à partir de 2025. Pour les personnes nées en 1963, l'âge légal de départ devait passer en 2025 à 62 ans et 9 mois et le nombre de trimestres cotisés à 170.

Prenons l'exemple d'une personne née le 1er janvier 1963. Celle-ci ne peut partir à la retraite avec l'actuelle réforme avant le 1er octobre 2025. En cas de gel, c'est le 1er juillet prochain qu'elle pourrait partir. Pour bénéficier du taux plein, elle doit actuellement avoir cotisé 42 ans et 6 mois. En cas de gel ce ne serait plus que 42 ans et 3 mois.

Les personnes nées en 1964 doivent actuellement attendre d'avoir 63 ans (soit courant 2027) pour partir à la retraite. Avec le gel, elles pourraient partir à la mi-2026. Ainsi de suite jusqu'à la génération née en 1968, la première concernée par l'âge de départ à 64 ans. Avec l'actuelle réforme, ces dernières ne peuvent par bénéficier de leur pension avant 2032. En cas de gel, c'est dès le 1er juillet 2030 qu'elles pourraient commencer à partir, soit un an et demi plus tôt.

Combien ça coûterait?

Quel serait le coût d'un tel gel pour les finances publiques? Selon Bercy, le gain net du report de l'âge de l'âge légal ainsi que de l'augmentation des trimestres cotisés devait être de 17,7 milliards d'euros. En ne faisant qu'un quart du chemin avec le gel de la réforme, le manque à gagner serait donc d'environ 13 milliards d'euros.

"Mais le coût réel serait encore supérieur, indique un économiste spécialisé dans le financement des retraites. Geler le système en l'état, ça fait plus de retraités mais aussi, mécaniquement, moins d'actifs, donc moins de cotisations et moins de rentrées fiscales."

Avec la réforme des retraites en vigueur, c'était 450.000 actifs de plus qui étaient envisagés en 2030. Ils seraient donc beaucoup moins avec un âge légal bloqué à 62 ans et six mois.

"La réforme des retraites, c'était un total de 20 milliards d'euros d'économie entre baisse de dépenses et hausses de recettes, résume l'économiste. En ne faisant qu'un quart du chemin, c'est grosso modo 15 milliards de manques à gagner."
Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco