Faut-il vraiment se fier aux chiffres de croissance de la Chine ?

Des salariés d'une usine de chaussures du groupe Huajian à Dongguan, dans le sud de la Chine, en septembre 2016. (photo d'illustration) - Greg Baker - AFP
Que vaut vraiment la croissance chinoise? Officiellement, la Chine a de nouveau franchi un palier au troisième trimestre avec une croissance du PIB de 4,9% sur un an, selon les données dévoilées ce lundi par le Bureau national des statistiques (BNS). Un chiffre envié par tous les pays européens, toujours empêtrés dans une profonde récession.
Officieusement, la question reste sans réponse. La semaine dernière, The Economist s'est une nouvelle fois posée la question, non sans rappeler les doutes sur la réalité sanitaire que le pays a traversé.
"Vous devez comprendre que tout rapport provenant de Chine, qu'il soit économique ou médical, sera politique" expliquait encore en février dernier Leland Miller, le patron du China Beige Book (un institut privé qui produit des rapports indépendants sur le pays) à MarketWatch.
"Aucun sens"
Depuis plusieurs années, de nombreux analystes remettaient ainsi en cause les scores fulgurant de la Chine, avant la crise. En 2015, Patrick Artus, directeur de la recherche et des études de Natixis, tablait déjà sur une croissance du PIB chinois de 2%, estimant alors que le chiffre officiel de l'époque (7%) n'avait "aucun sens."
La même année, l'entreprise Aurel BGC se penchait sérieusement sur le sujet. "Il y a trois sources de statistiques en Chine: le Bureau national de statistiques (BNS), le ministère des finances et la Banque centrale" expliquait, à l'époque, Christian Parisot, chef économiste d'Aurel BGC. "Cela représente en réalité beaucoup de statistiques, car chaque division territoriale publie très régulièrement ses propres chiffres à l’échelle locale, qui sont ensuite agrégés."
Ce sont justement les données qui remontent vers l'Etat central qui peuvent être erronées. Et la tentation est grande: certaines entreprises vont sous-estimer leur production pour payer moins d'impôts. D'autres vont gonfler leur chiffre d'affaires. Cela peut notamment être le cas des entreprises publiques, qui doivent répondre à des objectifs précis. Dans le cadre d'un Etat autoritaire, la tentation de la falsification est grande. Et dans le cadre de la crise sanitaire, la Chine doit prouver son redressement.
Données locales
En 2007, l'actuel Premier ministre Li Keqiang avait même reconnu, selon un câble diplomatique dévoilé par Wikileaks, que les chiffres de la croissance de la région de Liaoning, qu'il dirigeait alors, étaient "artificiels". Son successeur a admis avoir truqué ces mêmes chiffres entre 2011 et 2014. En 2017, le gouvernement a donc décidé de reprendre les choses en main. Depuis 2019, le Bureau national des statistiques (BNS) compile la publication de l'ensemble des chiffres du PIB, tant au niveau national qu'au niveau régional. Ce qui n'empêche pas des falsifications de la part du gouvernement chinois…
Il faut donc aller chercher dans les données locales et parfois dans certains indicateurs surprenants pour avoir une idée de l'activité économique. Ainsi, la baisse de consommation d'électricité dans les régions industrielles donne un indice du ralentissement en cours… A l'heure de la guerre commerciale, Pékin a tout intérêt à démontrer la robustesse de sa croissance.