Faire ses courses avec des titres-restaurant? Les salariés en sont friands, les restaurateurs veulent l'interdire

Il devait prendre fin en décembre 2023 puis il a été prolongé d’un an. L’assouplissement des règles d’utilisation des titres-restaurants avait été adoptée en novembre 2023 pour permettre aux Français de les utiliser dans des enseignes de grande distribution. Une mesure d’urgence avancée par le gouvernement de l’époque pour la protection du pouvoir d’achat.
"Je suis favorable à ce que nous prolongions au-delà du 31 décembre 2023 cette disposition permettant d'utiliser les tickets restaurant pour acheter des produits alimentaires [...] L'augmentation des prix alimentaires reste très pénalisante pour des millions de nos compatriotes", déclarait Bruno Le Maire devant la commission des Affaires économiques du Sénat en novembre 2023.
Une dérogation qui favorise les GMS
Problème: les enseignes de restauration seraient les premières victimes de cette dérogation. “Cet élargissement à tous les produits alimentaires, depuis août 2022, favorise les grandes et moyennes surfaces, au détriment des commerces de proximité : restaurants, commerces de bouche, boulangeries, traiteurs, bouchers…”, déplore le Syndicat National de l’Alimentation et de la Restauration Rapide (SNARR) dans un communiqué.
Selon les derniers chiffres de la Commission Nationale des Titres Restaurants (CNTR), près d’1 milliard d'euros de chiffres d’affaires en titres-restaurants ont été absorbés par les GMS en un an. Si bien que le secteur représenterait 30,8% du marché des titres-restaurants à la fin du deuxième trimestre 2024.
Même son de cloche du côté de l’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie (UMIH) qui affirme que les parts de marché des GMS ont progressé de 8.4 points pendant cette période alors que celles des restaurateurs ont chuté de 6.4 points.
“Sur 1 an, cela représente un manque à gagner de 576 millions d’euros pour les restaurateurs et un transfert d’activité de 756 millions d’euros au profit de la grande distribution. À peine 40% des titres-restaurant sont aujourd’hui dépensés dans les restaurants, cite l’UMIH dans son communiqué.
Revenir au périmètre initial
Ainsi, les syndicats demandent de revenir au périmètre initial du titre-restaurant. “Une nouvelle prolongation de l’utilisation à tous produits alimentaires transformerait à coup sûr le titre-restaurant en titre caddie”, estime Franck Chaumes, Président UMIH Restauration. Le but n’étant pas non plus de faire une croix sur le titre-restaurant, car il permet largement de “stimuler la fréquentation des établissements à l’heure du déjeuner”.
Autre mesure pouvant préserver les marges des restaurateurs: le meilleur encadrement des taux de commission des émetteurs de titres. Entre 2022 et 2023, le SNARR a relevé une hausse “sans précédent” de ces taux qui peuvent atteindre, selon l’émetteur, 33% pour le papier et 21,6% pour les cartes.
Suite à la publication de cet article, Edenred, l'un des plus gros émetteurs de titres-restaurants, a contacté BFM Business pour mettre en cause la véracité de ces chiffres.
"Les taux Edenred ont augmenté moins que l'inflation sur les 5 dernières années, est-il précisé par email. Ils n'ont pas augmenté en 2024 et notre tarif public est autour de 4,18%".
"Nous alertons quant au dévoiement progressif du titre-restaurant. Initialement pensé pour fournir une solution aux salariés pour se restaurer, il se transforme progressivement en un chèque en blanc, martèle Romain Girard, Président du SNARR. Si le contexte inflationniste pouvait justifier l’élargissement de son champ d’action, il devient maintenant crucial de le recentrer.”
Cet impératif de recentrage est d’autant plus urgent du point des entreprises du secteur qui font état d’une forte augmentation de leurs coûts d’exploitation et un remboursement de PGE encore pesant. Mention est également faite à Lidl, qui accepte lui aussi depuis tout récemment les règlements en titre-restaurant.