Quand les banques françaises défendent leur autonomie stratégique face à Bâle III

Les banques françaises défendent leur modèle - AFP
Il est plutôt rare que les communications de la Fédération bancaire française (FBF) aient des accents militants. Mais c’est pourtant le cas avec son communiqué du 27 octobre dernier sur la transposition finale de Bâle III. Un communiqué qui est aussi un plaidoyer pour la survie des financements de l’économie européenne.
Les accords adoptés par le Comité de Bâle en décembre 2017 doivent en effet être transposés dans la législation européenne. Et alors que le G20 avait enjoint le Comité de Bâle de ne pas alourdir significativement les exigences en fonds propres imposées aux établissements bancaires, une première proposition législative de la Commission européenne ne suit pas du tout cette orientation.
Tout cela peut paraitre assez obscur, de sorte que pour en comprendre l’enjeu, un bref rappel est sans doute nécessaire. Face à la crise de 2008, les pouvoirs publics devaient réagir et placer les établissements financiers sous un contrôle renforcé. La réglementation bancaire reposait pour l’essentiel sur un encadrement des banques, de leurs activités et des crédits qu’elles peuvent accorder, à travers des seuils de fonds propres dont elles doivent obligatoirement disposer. Cet encadrement fut renforcé et cela fut fait dans le cadre de la mise en place de la réglementation dite "Bâle III".
Quant à son bien-fondé et quant à ses très complexes et très foisonnantes modalités, cette réglementation pouvait être discutée. D’autant qu’elle n’avait guère été utile pour prévenir et limiter la crise. Mais il fallait faire vite, on n’avait rien d’autre et les opinions publiques voulaient que les banques soient mises sous pression. Même si cela devait limiter l’accès au crédit, ce qui n’était pas forcément très bien aperçu (de fait, on ne dispose toujours pas aujourd’hui de chiffres indiscutables quant à l’impact des mesures de Bâle III sur le financement de l’économie).
L'autonomie stratégique européenne
Cependant, il s’agissait d’être cohérent. Si l’on encadrait et donc limitait les activités bancaires, il fallait aussi bien désintermédier l’accès au financement pour les acteurs économiques. On y songea. Mais où en est-on aujourd’hui? Nulle part! Et le communiqué de la FBF souligne à cet égard le moindre développement des marchés financiers et de la titrisation en Europe ; la moindre part des PME cotées. Aujourd’hui, même les établissements financiers quittent la Bourse.
En somme, on aura limité les financements bancaires sans leur fournir d’alternatives. De sorte qu’aujourd’hui, comment financer les 330 milliards d'euros qui, selon la Banque centrale européenne, vont être nécessaires chaque année au sein de l’UE pour la transition écologique? Et les 125 milliards d'euros annuels pour le digital? Est-ce le moment de mettre encore davantage les banques européennes sous pression?
La crise sanitaire a prouvé la pertinence du modèle bancaire et sa capacité à financer l'économie sans que cela n'impacte sa solidité, avance la FBF. Qui ajoute à ce plaidoyer pro domo mais assez justifié, une perspective nouvelle: l'autonomie stratégique européenne. "Il en va de l'efficacité du modèle de financement de l'économie de notre continent et de son égalité de concurrence avec d'autres zones géographiques, à l'heure où les besoins d'investissement pour les révolutions climatiques et numériques sont gigantesques".
Pas d’alternative
C’est un fait, qu’il s’agisse des banques régionales qui, depuis toujours, accompagnent le Mittlestand et portent ainsi en large partie l’économie allemande ou qu’il s’agisse du profond ancrage territorial des groupes bancaires français, l’Europe économique repose sur un système de financements de proximité.
Il y a plusieurs mois, en demandant qui va réellement financer la transition énergétique, nous soulignions que les Européens semblent ne plus avoir vraiment conscience qu’un tel système présente de nombreux atouts. Le plaidoyer de la FBF rappelle aujourd’hui qu’il n’a de toute façon pas d’alternative.