Est-on vraiment au pic de l'inflation comme l'espère le gouvernement?

"Nous sommes au pic de l'inflation, une inflation qui devrait commencer à baisser en 2023 et devenir plus supportable pour les Français." En visite dans un supermarché ce vendredi, le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a une nouvelle fois estimé que le pays était au pic de l'inflation.
L'ancien ministre de la Santé habitué à commenter depuis 2020 les "pics de contamination" fait-il cette fois preuve de trop d'optimisme concernant l'évolution des prix?
Selon l'Insee, l'inflation n'a cessé de progresser ces derniers mois en France. 4,8% en avril, 5,2% en mai, 5,8% en juin, 6,1% en juillet... L'évolution des prix ne semble pas pour l'heure marquer le pas, que ce soit dans l'Hexagone ou dans l'immense majorité des économies occidentales encore plus touchées.
Que serait ce pic inflationniste annoncée -ou tout du moins espérée- par le gouvernement? Il ne s'agirait pas d'un retour à la situation antérieure concernant les prix. Votre baguette de pain ou votre steak haché a peu de chance de retrouver son prix d'avant crise. Il s'agirait alors d'une déflation, un phénomène rare et par ailleurs bien plus néfaste pour les économies que l'inflation.
Le pic de l'inflation serait plutôt une période de stagnation du niveau de hausse des prix. Ces derniers continueraient d'augmenter à un rythme élevé (aux alentours de 6% comme actuellement) mais le taux de progression lui ne progresserait plus. Ce pic atteint, l'inflation pourrait alors refluer pour retrouver son niveau "normal" d'environ 2% des années antérieures. Un reflux espéré dans le courant 2023 par le gouvernement.
La baisse des cours entamée
Un scénario que partagent certains économistes pour qui l'inflation était principalement dû à la désorganisation post-Covid.
"Nous pourrions en effet atteindre le sommet cet été, estime ainsi dans L'Express Ana Boata, directrice de la recherche économique chez Allianz Trade les prix énergétiques et alimentaires devraient de moins en moins contribuer à l'inflation, la demande se détend également, et il devrait y avoir une normalisation des dysfonctionnements dans les chaînes de valeur avec la réouverture progressive de la Chine et les investissements qui ont été faits pour augmenter les capacités de production."
D'autres éléments plaident en faveur de ce scénario relativement optimiste pour l'inflation. Depuis plusieurs mois, la plupart des matières premières et des produits de base alimentaires sont orientés à la baisse. Le cours du blé a chuté de 24% depuis son pic du mois de mai à 327 euros la tonne en cette fin de mois d'août. Idem pour le maïs.
Du côté du fret maritime, la modération est de mise. Le prix des locations de conteneurs avait explosé dans la période post-Covid. Or depuis le pic de septembre 2021, leurs prix a décru de 40%. Le pétrole de son côté se maintient sous les 100 dollars le baril après avoir frôlé les 130 début mars dernier.
De quoi espérer une diminution partielle des coûts de production et donc une accalmie sur le front de l'inflation.
Certains distributeurs ont d'ailleurs fait savoir ces derniers jours qu'ils observaient un certain ralentissement dans la hausse des tarifs proposés par leurs fournisseurs. C'est le cas de Michel Biero de Lidl qui table sur une inflation peut-être un peu moins forte qu'anticipée sur la fin de l'année.
Le gaz et l'électricité au plus haut
Des prévisions optimistes qu'il convient de tempérer. Notamment du fait des prix de l'énergie. Si le pétrole est revenu à des niveaux d'avant guerre en Ukraine, ce n'est pas le cas du gaz naturel et de l'électricité. Après quelques mois de baisse, le gaz est reparti à la hausse cet été et a retrouvé son niveau de mars au-delà de 300 euros le mégawattheure (MWh). La baisse de fourniture de la Russie et un été particulièrement chaud et gourmand en climatisation explique cette flambée des prix. Un hiver rigoureux pourrait accroître ce besoin en gaz et alimenter la hausse des prix.
Même constat pour l'électricité. Les prix de gros du MWh sur les contrats de 2023 atteignent désormais les 1000 euros en France contre 85 euros il y a un an à la même période. En France, seuls 24 des 56 réacteurs nucléaires d'EDF fonctionnent en ce moment, notamment en raison d'un problème de corrosion, ce qui réduit la production électrique française à un niveau historiquement bas.
Des hausses qui peuvent à elles seules compromettre l'hypothèse du pic inflationniste déjà atteint. D'autant que l'explosion des prix de l'énergie passe relativement inaperçue pour le moment en France avec le bouclier sur le gaz et la limitation de la hausse des prix de l'électricité.
"Le scénario du gouvernement est cela dit plausible, estime l'économiste Gilbert Cette. Nous avons peut-être atteint ce pic inflationniste mais cela suppose plusieurs conditions: qu'il n'y ait pas de nouveaux chocs inflationnistes avec la Russie qui couperait le gaz, que le pétrole ne flambe pas à nouveau, qu'il n'y ait pas de transmission complète de la hausse des prix sur les salaires... Cela fait beaucoup d'incertitudes. Les années passées avec le Covid, la guerre en Ukraine nous appellent à la prudence."
Le scénario aujourd'hui envisagé par la Banque centrale européenne est un reflux progressif de l'inflation qui ne retrouverait pas son niveau d'avant-crise aux alentours de 2% avant 2024.
