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Fret maritime: après l'explosion des prix, certains transporteurs plafonnent leurs tarifs

Bateau de la société CMA-CGM.

Bateau de la société CMA-CGM. - -

Alors que la demande en biens de consommation explose, l'inflation atteint des niveaux records dans le fret maritime et certaines compagnies comme CMA-CGM préfèrent faire moins de bénéfices aujourd'hui pour fidéliser les clients.

+650%. C'est l'évolution du prix de location d'un conteneur standard de 40 pieds depuis le début de la pandémie. En janvier 2020, un importateur payait 1000 dollars pour faire venir ce conteneur 67m³ au Havre depuis Shanghaï. Il lui en coûte désormais 7500 dollars. Et l'inflation est encore plus forte sur la plus importante route maritime de la planète entre l'est asiatique et la côte ouest américaine.

Alors que la demande explose, certains transporteurs ont décidé de prendre une décision historique et étonnante sur le plan économique: geler les tarifs pour freiner l'inflation. Le Français CMA CGM, troisième armateur mondial, a ainsi fait savoir ce 9 septembre qu'il allait bloquer les prix de certains contrats. A compter de cette semaine et jusqu'au 1er février prochain, les contrats dits "spots" (négociés 30 jours seulement avant le transport) n'augmenteront pas.

Ces contrats de dernière minute ne représentent qu'un quart environ de l'activité de CMA-CGM, mais ce sont eux qui ont subi la plus importante inflation. Pour les contrats de long terme négocié des années à l'avance la hausse des prix a été plus contenue.

Dans la foulée de l'armateur français, l'allemand Hapag-Lloyd a lui annoncé un gel des tarifs de ses contrats spots sans toutefois en préciser la durée.

Alors que les tarifs explosent, les délais de livraison eux ne cessent de s'allonger. Des dysfonctionnements qui s'expliquent par une explosion de la demande de produits manufacturés en Asie (notamment via le e-commerce) et des aléas divers dans un contexte de crise sanitaire toujours présente. Le blocage du canal de Suez en mars dernier ainsi que la fermeture durant deux semaines en mai du plus important port chinois (celui de Yantian près de Shenzhen) ont accentué le goulot d'étranglement.

Des bénéfices multipliés par 20

Des clients qui doivent payer de plus en plus cher pour une qualité de service dégradée. C'est pour répondre à ce mécontentement que certains transporteurs ont préféré stopper l'inflation.

"A travers ces mesures, CMA CGM souhaite accompagner ses clients dans un contexte de fortes tensions sur les chaines logistiques mondiales et privilégie une relation sur le moyen et long terme", assure la compagnie française dans un communiqué.

En d'autres termes, le transporteur accepte de faire moins de bénéfices aujourd'hui pour avoir davantage d'activité demain.

Aujourd'hui, le secteur du fret est sous tension et atteint des niveaux records d'activité. Seule 1% de la flotte mondiale est actuellement inutilisée contre 4-5% en période normale (et 12% en mai 2020 au plus fort de la crise sanitaire).

Comme de nombreux transporteurs, la compagnie marseillaise et beaucoup investi pour accroître ses capacités de transport.

"Le groupe a augmenté la capacité de la flotte opérée de 11% depuis le 31 décembre 2019, grâce à l’entrée en flotte de navires neufs et l’achat de navires d’occasion, précise-t-il. Au cours des 15 derniers mois, CMA CGM a également augmenté sa flotte de conteneurs de 780.000 EVP."

Les EVP (Équivalent Vingt Pieds) désignent l'unité de mesures d'un navire. Un porte-conteneur moyen étant de 2000 EVP, CMA CGM a donc augmenté sa flotte d'environ 400 bateaux.

Une inflation qui profite à tout le secteur. Selon le consultant spécialisé en fret maritime Drewry, le secteur devrait réaliser au minimum 80 milliards de dollars de bénéfices d'exploitation en 2021. Voire davantage.

"Si les taux de fret dépassent les attentes dans le reste de l’année, nous ne serions pas surpris de voir un bénéfice annuel de l’ordre de 100 milliards de dollars", assure l'analyste dans sa note trimestrielle.

En 2019, les neuf plus gros armateurs du monde avaient réalisé collectivement 5 milliards de dollars de bénéfices. Vingt moins que cette année.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco