Vente du Doliprane: le gouvernement menace de "sanctions fermes" en cas de non respect des "garanties"

Les ministres de l'Économie et de l'Industrie, Antoine Armand et Marc Ferracci, ont tenu une conférence de presse spéciale ce lundi pour donner plus de détails concernant la cession en cours de la filiale de production du Doliprane de Sanofi, Opella.
Le groupe pharmaceutique tricolore Sanofi vient de confirmer ce lundi être en "négociations exclusives" avec le fonds CD&R "pour la cession et l'acquisition potentielles d'une participation de contrôle de 50% dans Opella", selon un communiqué du groupe français qui précise que l'offre de CD&R est "ferme et entièrement financée".
Des sanctions "fermes, immédiates et importantes"
"Nous avons exigé des garanties extrêmement fortes sur le maintien de la production du Doliprane, de l'emploi et du siège social en France", a insisté Antoine Armand en préambule, mentionnant un accord "tripartite" entre l'État, Sanofi et CD&R. Un "rehaussement" de 70 millions d'euros est même prévu en termes d'investissement dans l'industrie française du médicament et notamment dans le paracétamol.
Pour assurer le "respect" et le "suivi" des garanties, le gouvernement a prévu la mise en place de sanctions "fermes, immédiates et importantes". L'entrée au capital d'Opella via Bpifrance (banque publique d'investissement française) permettra par ailleurs de garder un oeil sur les orientations stratégiques de la filiale et d'être "associé aux futures décisions de l'entreprise".
"Vous avez devant vous deux ministres qui ne font preuve d'aucune naïveté", a martelé Antoine Armand en conférence de presse ce lundi.
En parallèle, une mission spéciale a été lancée auprès de l'Inspection générale des finances pour évaluer les dispositifs de soutien dont Sanofi a bénéficié ces dernières années - comme les crédits d'impôt recherche par exemple. De "l'argent public" qui mérite de la "transparence".
Sur les garanties de maintien de la production sur le sol français, Marc Ferracci fait référence aux sites basés à Lisieux et Compiègne. Des sanctions jusqu'à 40 millions d'euros sont prévues en cas d'arrêt des lignes de production. "Pour chaque licenciement économique dans le cadre d'un Plan de Sauvegarde de l'Emploi (PSE), une pénalité de 100.000 euros sera appliquée", promet-il.
"250 millions de boites" de paracétamol
Les volumes de production font aussi partis du menu car ils sont une condition du bon fonctionnement de la stratégie étatique en matière de "relocalisation industrielle du paracétamol". Mention est faite à Seqens, une des rares entreprises pharmaceutiques produisant encore du paracétamol en France (en Isère). Cette dernière avait en ce sens promis un objectif de 150.000 tonnes de capacité en 2026.
Dans cet accord tripartite, une garantie a été obtenue sur la production en France de "250 millions de boîtes" de paracétamol. Une sanction pouvant aller jusqu'à 100 millions d'euros peut être déclenchée en cas de non-respect de l'engagement. Le gouvernement exige également un investissement de 70 millions d'euros sur 5 ans et prévoit des sanctions "proportionnelles à l'éventuel sous-investissement par rapport à cette cible".
L'État maintient donc un pied dans le capital d'Opella grâce à Bpifrance qui va devenir actionnaire en détenant 1 à 2% des parts, soit pour un montant entre 100 et 150 millions d'euros. Selon Nicolas Dufourcq, président de Bpifrance, ce type de participation minoritaire au capital d'industries est assez commun "pour assurer l'ancrage français dans des actifs stratégiques".
Ce dernier cite la prise de participation chez le géant des lunettes EssilorLuxxotica en 2021 ou encore chez l'expert en biométrie Idemia. "Nous serons présents au conseil d'administration [d'Opella], nous sommes vocaux, actifs et activistes si la gouvernance dérape", a-t-il assuré.
L'État est intervenu à plusieurs reprises dans le processus de rachat d'entreprises françaises par des tiers étrangers et les garanties imposées n'ont pas toujours été respectées. Par exemple, en 2014, l'État français avait autorisé le rachat des activités énergétiques d'Alstom par General Electric mais ce dernier n'a pas tenu son engagement à créer des milliers d'emploi.