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Le crédit d'impôt recherche, une niche fiscale dans le viseur des députés

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Créée en 1983, cette disposition fiscale visant à encourager les activités privées de recherche et développement est dans le viseur des députés. Ils mettent en doute son efficacité et pointent des effets d'aubaine.

Les députés ne veulent plus du crédit d'impôt recherche. Ou en tout cas, ils veulent le repenser. C'est le sens des amendements déposés vendredi 18 octobre en commission des Finances de l'Assemblée nationale, qui ont pour objet de tailler un peu dans les dépenses de l'Etat.

Ce crédit d'impôt, créé par la loi de finances de 1983, avait pourtant tout du dispositif vertueux. Si les modalités ont évolué depuis sa création, l'objectif restait le même: encourager les activités de recherche et de développement en déduisant de l'impôt dû par les entreprises une partie des dépenses consacrées à la recherche. Les entreprises ne perçoivent donc pas d'aide directe de l'Etat, mais récupèrent une partie des dépenses engagées en minorant leur impôt.

30% de déduction d'impôt pour les dépenses jusqu'à 100 millions d'euros

Dans la pratique, entreprises industrielles, commerciales et agricoles peuvent en bénéficier, lorsqu'elles sont soumises à l'IS et à l'IR, mais aussi lorsqu'elles sont exonérées d'impôts et se retrouvent dans la nomenclature de Bercy: jeune entreprise innovante, entreprise située dans un bassin d'emploi à redynamiser, etc. Sont concernées les activités de recherche fondamentale de recherche appliquée ou de développement expérimental, dès lors qu'elles sont encouragées par des dépenses de personnel (chercheurs, salaires et charges sociales, dépenses de propriété intellectuelle, de veille technologique, etc.).

Le taux de crédit d'impôt est variable: 30% pour les dépenses en dessous de la barre des 100 millions d'euros, et 5% pour la part des dépenses supérieure à ce chiffre. En 2008, une réforme du CIR modifie substantiellement sa portée: alors qu'auparavant n'était principalement pris en compte que l'accroissement des dépenses de recherche, le dispositif est désormais assis sur leur volume total, que les dépenses augmentent ou non.

Une niche fiscale qui a coûté 7,1 milliards en 2023

Pour l'Etat, encourager les dépenses de recherche des entreprises a un coût. 7 milliards d'euros au titre de 2023, à comparer au milliard d'euro concédé en 2004, il y a 20 ans. Pour 2024, le manque à gagner pour l'Etat devrait approcher les 7,6 milliards. Mais ce coût est également à mettre en rapport avec l'utilité reconnue du dispositif, qui est d'encourager les dépenses, mais aussi l'emploi des chercheurs, d'augmenter le dépôt des brevets et d'améliorer l'attractivité du territoire.

Selon une évaluation publiée par France Stratégie en 2021, si les multinationales françaises ont accru leurs dépenses de R&D en France plutôt qu'à l'étranger, leur niveau d'effort reste faible en comparaison des autres grandes entreprises qui investissement.

Plus grave selon le rapport:

"le CIR n'a guère contrecarré la détérioration de l'attractivité du site France pour la localisation de la R&D des entreprises multinationales étrangères."

Un effet d'aubaine pour les grandes entreprises

Un rapport parlementaire publié en 2021 sous l'égide de l'actuel ministre du Budget Laurent Saint-Martin complète la photo. Plus de 20.000 entreprises bénéficient chaque année du CIR, pour couvrir en majorité des frais de personnel. Le nombre de bénéficiaires a atteint 23.069 en 2021.

Le rapport parlementaire relève que trois quarts des grandes entreprises bénéficient du CIR. Et les 50 premières entreprises qui ont les crédits les plus élevés concentrent la moitié de la manne du CIR, selon le rapport de France Stratégie.

Les Experts : Crédit d'impôt recherche, un échec ? - 29/11
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D'après France Stratégie, le CIR contribue bien à favoriser l'emploi des chercheurs, mais n'est pas déterminant sur le dépôt de brevets. Par ailleurs, l'effet de levier positif est plutôt concentré sur les TPE et PME et serait non "significatif" pour les grandes entreprises et les ETI. Concrètement pour 1 euro d’aide fiscale reçue, les sociétés investissent environ un euro, avec un effet de levier plus fort pour les petites entreprises.

En 2022, l'effort de recherche des entreprises et les administrations atteint 2,18% du PIB, un chiffre qui reste en dessous de la moyenne des pays de l'OCDE selon les données du ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche.

Alors comment soutenir l'innovation sans trop coûter aux deniers publics? Un amendement déposé par la droite souhaiterait exclure des entreprises éligibles les entreprises de la finance et de l'assurance, un autre d'en exclure les entreprises qui n'enregistreraient pas de bénéfices. Pour Charles de Courson (Liot), il faudrait réduire l'assiette. Chaque année, le CIR fait l'objet de discussions parlementaires qui n'ont jamais abouti jusqu'ici, mais cette année, les ministres de Bercy tout en restant favorables au dispositif, n'excluent pas sa rationalisation.

Marine Landau