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Ces rachats d'entreprises françaises dans lesquels l'État est intervenu

Le Français Alstom augmente sa participation de 25 à 33% dans partenaire russe Transmacholding.

Le Français Alstom augmente sa participation de 25 à 33% dans partenaire russe Transmacholding. - Jean-Sébastien Evrard - AFP

Si Sanofi a fait part de sa volonté de céder sa filiale Opella qui produit notamment le Doliprane, le ministre de l'Économie a fixé ses conditions pour autoriser l'opération qui concerne une activité jugée stratégique. Une pratique qui n'est pas sans rappeler celle d'autres gouvernements intervenus dans des rachats d'entreprises par le passé.

Seulement quatre jours après les annonces de Sanofi sur les négociations exclusives pour céder sa filiale Opella au fonds d'investissement américain Clayton Dubilier & Rice (CD&R), le ministre de l'Economie Antoine Armand a annoncé ce lundi matin que le Doliprane "continuera à être produit en France".

Dans le but de garantir "la souveraineté sanitaire française", le ministre a tenu à "rassurer les salariés" d'Opella tout en soulignant que si la cession a lieu, des "conditions précises" seront exigées.

Bien que cette possible opération fasse beaucoup de bruit, cette dernière ne semble pas si nouvelle que cela dans le paysage industriel français. Au cours des deux décennies passées, plusieurs fleurons français sont passés dans les mains de groupes étrangers, sous l'oeil attentif du gouvernement qui n'a pas hésité à intervenir. Notamment en exigeant des garanties en matière de créations d'emplois ou de développement. Et en prononçant des sanctions en cas de non-respect des engagements.

• Alstom et General Electric

Le cas d'Opella n'est pas une nouveauté dans l'Hexagone. Et l'historique des procédures de rachat de fleurons français montrent que les conditions et les promesses ne sont pas toujours respectées.

Pour rappel, en 2014, l'État français avait autorisé le rachat des activités énergétiques d'Alstom par General Electric. En échange, l'entreprise s'était engagée à créer des milliers d'emploi. Finalement, la société américaine n'a créé que 25 emplois et s'est vu dans l'obligation d'abonder "un fonds de réindustrialisation doté de 50 millions d'euros".

• Picheney et Alcan

Quelques années plus tôt, en 2004, Pechiney, l'ancien groupe industriel français spécialisé dans l'aluminium, a été avalé par la société canadienne Alcan à l'issue d'une OPA de 4 milliards d'euros. Après cette opération, Alcan avait promis au gouvernement de Jean-Pierre Raffarin de nouvelles créations d'emplois.

Mais seulement, quelques années plus tard, en 2007, l'entreprise canadienne se voit, elle aussi, avalée par le groupe minier anglo-canadien. Résultat, Pechiney est rapidement démantelé et voit ses pièces vendues jusqu'à sa disparition totale.

• Arcelor et Mittal

En 2006, c'est au tour de européen de l'acier Arcelor, qui détenait une partie de sa production à Gandrange en Moselle, de passer sous le bras d'un autre groupe. C'est la société Mittal, possédée par le PDG indien Lakshimi Mittal, qui lance une OPA de 18,6 milliards d'euros sur Arcelor. Les promesses et les mesures annoncées par Nicolas Sarkozy pour sauver l'entreprise ne sont pas parvenues à empêcher la fermeture du site en Moselle en 2009.

• Alcatel-Lucent Nokia

Autre exemple dans l'industrie française: le rachat d'Alcatel-Lucent par Nokia en 2015. Alors que le télécom français Alcatel et l'américain Lucent Technologies avaient fusionné presque une décennie plus tôt, le groupe franco-américain a finalement rencontré une série de difficultés dont des suppressions de postes.

En avril 2015, le finlandais Nokia fusionne avec Alcatel-Lucent. Mais en 2017, l'entreprise annonce la suppression de 600 postes en France, créant ainsi de vives réactions de la part du président de la République qui a dénoncé un "non respect des engagements" de Nokia.

Un code monétaire pour défendre les "intérêts nationaux"

Comme l'a expressément demandé une partie de la classe politique, comprenant des députés Ensemble pour la République, Modem et LR, il est possible de faire usage du code monétaire et financier pour tenter de bloquer des opérations financières pouvant mener à mal certains secteurs sensibles.

En effet, l'article R-151-4 du code évoque la capacité d'une "entité du droit français" de soumettre l'investisseur étranger à une "demande d'autorisation"

Ainsi, le ministère de l'Economie, qui peut être l'émetteur de la demande, peut à l'issue du processus accepter ou rejeter la demande d'investissement. Comme en témoignent les diverses opérations citées précédemment, l'usage de cet article n'est que rarement appliqué. L'État et les entreprises semblent privilégier d'autres options, telles que des accords relatifs à la garantie de création d'emplois, par exemple.

La dernière fois qu'un investissement a été empêché par un ministre français remonte à 2021, lorsque le géant Carrefour et la société canadienne Alimentation Couche-Tard étaient sur le point de fusionner. L'ancien ministre de l'Economie, Bruno Le Maire n'a pas tardé à bloquer l'opération afin de garantir "la sécurité alimentaire française".

Sacha Carion