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"Une période d'expiation": pourquoi les montres de luxe ont moins la cote

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Le salon Watches and Wonders, rendez-vous annuel des fabricants de montres haut de gamme, ouvre ses portes, ce mardi, en Suisse, dans un contexte compliqué.

"Il risque d'y avoir un certain calme", cette année, dans les allées du salon Watches and Wonders, à Genève. A quelques heures de l'ouverture de ce rendez-vous annuel, Jean-Jacques Weber, président de la Fédération française de l'horlogerie, n'est pas vraiment optimiste pour son secteur.

Et pour cause, l'horlogerie subit des vents défavorables depuis plusieurs mois. Les exportations de la Suisse, principal producteur mondial, ont baissé de 2,8% l'an dernier, à un peu plus de 27 milliard d'euros. Elles ont continué de se contracter en février: - 8,2% sur un mois, d'après les chiffres officiels. Symbole d'une industrie qui vacille.

Baisse surprise aux États-Unis

Dans le détail, selon la Fédération de l'industrie horlogère suisse, "les montres dont le prix export se situe entre 500 francs suisses (523 euros) et 3.000 francs suisses (3.143 euros) accusent une baisse de 15,4% sur un mois, tandis que celles dont la valeur dépasse 3.000 francs suisses affichent un repli de 7,3%".

"Seules les montres dont le prix export est inférieur à 200 francs suisses (un peu moins de 210 euros) progressent en février, de 2,7%", précise le communiqué.

En cause, surtout: le ralentissement de la demande chinoise. Les exportations vers le géant asiatique ont chuté de près de 25,8% en 2024, sur un an. Dans une note récente, les analystes de Bernstein estiment que la situation en Chine est peut-être en train de "se stabiliser", mais que cela reste "volatil" du côté des États-Unis, qui reste le premier marché pour la filière, et où planent aussi les menaces de droits de douane.

Les exportations de montres suisses outre-Atlantique ont baissé de 6,7%, en février, sur un mois. Cette "faiblesse soudaine" était "inattendue", écrivent les analystes, qui expliquent qu'elle "est probablement due à la combinaison d'une nouvelle vague de hausses de prix dans les segments supérieurs et de l'environnement géopolitique incertain entre les États-Unis et leurs partenaires commerciaux."

Une reprise pas avant mi-2026?

Pour Bernstein, "l'industrie horlogère de luxe poursuit son retour à la normale après la frénésie post-Covid." Les analystes prédisent que "cette période d'expiation sera plus longue (pour les montres de luxe) que pour la plupart des autres catégories."

Dans ce contexte global, les ventes de montres, au niveau mondial, pourraient chuter de 10% cette année, d'après Jean-Jacques Weber, qui relativise. "C'est un métier cyclique et ça a toujours été comme ça", rappelle cet expert, qui évolue dans le secteur depuis quarante ans.

Il table sur une reprise vers mi-2026, "quand les stocks auront été absorbés".

Ce moment est plus dur à passer pour les plus petits acteurs du secteur, notamment pour les sous-traitants, que pour les plus grosses marques de montres, qui sont considérées comme des valeurs refuges. Plusieurs dizaines d'entreprises suisses se sont notamment rapprochées des autorités ces derniers mois, pour bénéficier d'un programme public, qui permet d'utiliser le chômage partiel en période de crise.

Dans un communiqué publié en janvier, la Convention patronale de l'industrie horlogère suisse, qui représente 500 entreprises et plus de 55.000 salariés, estime que si "2024 s'achève sur une relative stabilité des effectifs", "l'horizon 2025 s'annonce nettement plus incertain".

"Les turbulences économiques persistantes, les tensions géopolitiques et la vigueur du franc suisse représentent des défis majeurs pour l'industrie", qui "devra redoubler d'efforts pour présever ses effectifs et maintenir sa capacité de production."

Mais à l'aube de cette nouvelle édition de Watches and Wonders, à Genève, le président de la Fédération de l'industrie horlogère suisse se veut optimiste. S'il confirme qu'il est "difficile de faire des projections", Yves Burgmann martèle qu'"à moyen et long terme, les perspectives restent bonnes."

Pauline Tattevin