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En crise, les horlogers suisses se placent sous la protection de l'État

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Un programme public en place depuis plusieurs décennies permet un chômage partiel massif.

Crise dans la canton du Jura. Les horlogers ne font plus recette, et les marques comme leurs sous-traitants cherchent désormais des aides d'État: 40 entreprises ont soumis leur dossier aux autorités de la Chambre de commerce et d'industrie du canton cet été. Elles n'étaient que cinq en début d'année.

Récemment, Sowind Group, qui détient deux sites de production, a ainsi mis 15% de ses effectifs en congés ou à temps partiel -sans licencier, grâce aux compensations publiques. Dans le dispositif, la Suisse paye jusqu'à 80% du salaire des employés le temps de passer la crise, si le dossier est accepté.

Le dispositif avait déjà été massivement utilisé par les entreprises en 2020 et 2021, le temps de passer la crise du Covid qui avait mis à l'arrêt la production. Il permet à certains de souffler: le patron de Breitling, Georges Kern, expliquait la semaine passée au Geneva Watch Days que certains de ses fournisseurs avaient pris des "vacances" pendant 6 à 8 semaines, faute d'activité.

Les petites structures sont en effet aujourd'hui plus concernées que les grandes: Rolex et Patek Philippe s'en sortent relativement bien cette année. À l'inverse, le groupe Richemont -maison-mère de Cartier et Van Cleef- souffre, en croissance d'1% à peine grâce à la haute joaillerie. Swatch, qui détient Omega, pique aussi du nez.

Pénuries de main d'oeuvre et désintérêt chinois

Les raisons de ces galères sont connues en France autant qu'en Suisse: le détournement des consommateurs chinois, dont le pouvoir d'achat stagne ou diminue. Les ventes de montres ont baissé de 3% depuis janvier, selon des médias spécialisés helvètes. Cette décrue du marché asiatique se couple du situation délicate du franc suisse, toujours plus fort, et qui renchérit les exportations.

Les fabricants ont enfin dû faire face à des pénuries de main d'oeuvre ces deux dernières années, qui ont amené à un recrutement très onéreux. Les salaires ont grimpé en 2023 jusqu'à 9.000 francs suisses (9.600 euros environ) pour des ouvriers qualifiés capable de gérer des machines de façon autonome.

Le secteur avait aussi connu un fort rebond post-pandémie, qui a porté les effectifs à 65.000, le plus haut niveau depuis un demi-siècle pour l'horlogerie suisse. Les employés temporaires commencent à être remerciés ou non-renouvelés, et les salaires pourraient retomber de 15 à 20% cette année.

Valentin Grille