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INFO BFM BUSINESS. Hermès bien placé pour rafler un trésor horloger suisse

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Le sellier fait figure de favori pour racheter le pôle horloger de la Fondation familiale Sandoz, qui fournit notamment Patek Philippe et Tag Heuer. Selon nos informations, LVMH a regardé le dossier, mais il n'est plus sur les rangs.

"Vaucher", "Atokalpa", "Elwin"... Leurs noms ne sont pas connus du grand public, mais Patek Philippe, Richard Mille, ou Tag Heuer leur doivent les rouages d'exception de leurs montres. Ce sont plusieurs manufactures, en Suisse, logées dans le pôle horloger d'une fondation familiale, la Fondation Sandoz. Et depuis que le site spécialisé Miss Tweed a annoncé la mise en vente de ce pôle, en février dernier, elles sont au coeur de toutes les rumeurs et d'intenses tractations, dans lesquelles entrent en jeu les titans du secteur du luxe.

Selon nos informations, Hermès et LVMH se sont positionnés et Hermès fait aujourd'hui figure de favori. "Cela semble plié pour Hermès", assure même un bon connaisseur du secteur. Le sellier part avec un temps d'avance. Depuis fin 2006, il possède déjà 25% de Vaucher, l'une des pépites de ce pôle horloger.

Nichée dans la commune de Fleurier, sur la crête jurassienne, la manufacture produit entre 50.000 et 60.000 mouvements horlogers haut de gamme par an, selon la presse suisse. Elle fournit notamment Audemars Piguet, Richard Mille, Tag Heuer (filiale de LVMH) et donc, Hermès. Contactée par BFM Business, la direction d'Hermès "ne commente pas", mais au printemps, le vice-président du groupe, Guillaume de Seynes, assurait à nos confrères du Temps qu'il "ne [se désintéresserait] pas de ce qui [allait] arriver à Vaucher".

"Hermès rassure davantage"

En face, LVMH. Depuis plusieurs mois, le groupe, qui possède Tag Heuer, Hublot, Zenith et Bulgari, ne cache pas ses ambitions sur ce marché. Jean Arnault, qui gère l'activité montres chez Vuitton, expliquait ainsi en juin dernier au journal Le Temps qu'il souhaitait "installer" sa marque "comme un acteur fort de l'horlogerie". Quelques jours plus tard, la division montres de LVMH annonçait l'acquisition de Swiza, propriétaire de L'Epée 1839, une prestigieuse manufacture suisse.

Le numéro un mondial du luxe est déjà bien implanté là-bas, avec 3500 collaborateurs et quinze manufactures en Suisse. Il collabore déjà avec Vaucher et fournit des composants à Audemars Piguet et Richard Mille. Le patron de la division montres du groupe, Frédéric Arnault, a intégré récemment, avec ses homologues de Hermès et de Chanel, le conseil d'administration de la fondation Watches & Wonders, à Genève, créée il y a deux ans à l'initiative de Rolex, Richemont et Patek Philippe.

Mais selon plusieurs sources, une partie de l'industrie horlogère du pays se méfie de LVMH. Certains évoquent même une levée de boucliers. "Visiblement Bernard Arnault n'est pas le bienvenu en Suisse", explique un connaisseur du secteur, pour qui "les acteurs locaux ont peut-être peur de la force d'une maison comme LVMH, qui est très dynamique". En comparaison, poursuit cette source, "Hermès rassure davantage."

L'industrie horlogère suisse en difficulté

Est-ce que ce "rejet" a découragé, cette fois, celui qui est surnommé "le loup en cachemire", depuis son raid avorté sur Hermès, au début des années 2010? Est-ce la mauvaise passe que traverse l'industrie horlogère locale, qui a poussé LVMH à se détourner du dossier? LVMH "ne fait pas partie de ceux qui font des offres", assure une source proche du dossier, pour qui "le numéro un mondial du luxe "sert de lièvre, pour faire monter les prix".

"Les conditions financières et juridiques, nous dit-on, ne sont pas réunies."

Ce qui laisse la voie libre à son meilleur ennemi, Hermès, pour reprendre ce pôle horloger de la Fondation Sandoz seul ou dans le cadre d'une alliance avec les grandes marques de montres suisses. Cette hypothèse circule en effet, aussi, pour sauvegarder ce trésor national. Certes, après avoir explosé ces dernières années, les exportations de montres suisses vers la Chine ont plongé de 21,1% depuis janvier et elles ont reculé de 18,6% vers Hong Kong.

La fédération horlogère suisse précisait le mois dernier que les perspectives pour ces deux destinations stratégiques restaient "très défavorables". Mais cette industrie, qui emploie plus de 65.000 personnes en Suisse, reste stratégique, aussi, pour les plus grandes maisons du luxe, qui l'utilisent pour offrir à leurs clientèles des montres de plus en plus haut de gamme.

Pauline Tattevin