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Un cours de Bourse multiplié par deux, une marge record: comment Luca de Meo a mené la "Renaulution" pour relancer Renault

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Un cours de Bourse qui a doublé, une marge opérationnelle proche de 8%, des modèles désirables. En cinq ans, Luca de Meo a remis Renault sur les rails du succès. Il quittera le groupe le 15 juillet prochain.

Cinq. Comme le chiffre de la voiture emblème de sa stratégie, la R5. Comme le nombre d’années qu’il a passé à la tête de Renault. À la surprise générale, ce dimanche 15 juin, Luca de Meo a annoncé quitter Renault pour d’autres horizons, loin de l’automobile.

Celui qui a contribué à redonner ses lettres de noblesse (et ses profits) à Renault était pourtant encore ce week-end aux 24 Heures du Mans, pour soutenir Alpine, la marque sportive du groupe qui court en endurance (à côté de la Formule 1). Pas plus tard que dimanche, il évoquait encore au micro de BFM Business l’hydrogène, une solution pour demain verdir Alpine, et l’automobile. Le luxe, sera peut-être son point d’atterrissage: selon Le Figaro, Luca de Meo pourrait prendre les rênes de Kering.

Puiser dans les racines

Peut-être y mettra-t-il en pratique l’une de ses recettes: plonger dans l’histoire de la marque pour écrire l’avenir. C’est en fouillant dans les archives (et les garages design du Technocentre) qu’il a ainsi relancé la R5, emblème de son plan de redressement (appelé "Renaulution"), puis la Renault 4, et demain la Twingo. Qu’il a aussi déniché le Rafale, nom mythique de l’aéronautique possédé en réalité par Renault et transformé en porte-étendard de sa gamme SUV. Car, via le plan Renaulution, dévoilé en janvier 2021, Luca de Meo a redonné envie d’acheter des Renault. Pas parce qu’en entrant dans la concession, le prix du modèle avait déjà pris 20% de remise pour être sûr de vendre, mais parce que la marque, via son histoire, est redevenue désirable.

Le dirigrean italien avait déjà appliqué cette recette chez Fiat, en contribuant au retour de la 500 en 2007. Luca De Meo quittera d’ailleurs ses fonctions avant le lancement du prochain modèle emblématique, la Twingo, qui reviendra l’an prochain en reprenant les lignes de la première génération, mais avec un business model (moins de 20.000 euros) et un développement (ultra-court, en 2 ans, en partenariat avec le laboratoire R&D du groupe monté en Chine) inédit. Luca de Meo a élevé le cœur de la gamme du groupe vers des automobiles plus grande plus rentable, en la réorientant davantage vers le segment C (celui des monospaces compacts) au détriment du B (les citadines).

Cette remise à plat de la gamme s’est doublée d’un redressement des finances. Luca de Meo a tiré parti d’une réduction des coûts fixes, qui avaient été lancée avant son arrivée par la directrice financière de l’époque Clotilde Delbos, aidée par le directeur de l’ingénierie, Gilles Le Borgne.

Le dirigeant a aussi redirigé les ventes vers les canaux les plus rentables, comme les particuliers, plutôt que d’autres moins profitables, comme les flottes d’entreprises et les loueurs.

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19:20

Marge record

"Renault a réalisé des réductions significatives des dépenses variables et fixes et d'investissement ce qui a permis de 'dérisquer' les activités coeur de métier", notait ainsi Jefferies dans une note de février.

Désormais, "Renault est bien avancé dans son repositionnement pour rester compétitif sur la transition actuelle de l'industrie, en séparant les activités de moteur thermiques et celles d'électriques, et en accélérant des investissements dans les logiciels et la neutralité carbone", soulignait encore la banque en début d’année.

Le renoncement à la cotation d’Ampère, la filiale électrique de Renault, a également marqué les esprits. Ampère était un des projets phare de Luca de Meo.

D’une marge négative de 3,2% de la division automobile en 2020, quand Luca de Meo a pris ses fonctions, Renault en affichait une à 5,4% l’an passé. In fine, son mandat chez Renault s’est traduit par une marge record de 7,9% (sur l'ensemble du groupe) en 2023, taux qui s’est maintenu à 7,6% l’an passé, alors qu’elle était de -0,8% en 2020, année marquée par la pandémie.

Une force qui a permis à Renault de poursuivre son chemin alors que l’Alliance capitalistique avec Nissan se détricotait depuis 2018 et le départ forcé de Carlos Ghosn, arrêté au Japon. Ce sera aussi l’un des chantiers du groupe après le départ de Luca de Meo: Renault peut-il rester durablement seul?

Selon un banquier proche du groupe, Renault étudierait différentes possibilités pour trouver de nouveaux partenaires, tout en restant fournisseur de prestations pour Nissan. La prochaine Micra reprend ainsi de nombreux éléments technologiques de la R5.

"Son départ laisse Renault sans dirigeant à un moment où le groupe doit communiquer un nouveau plan stratégique et poursuivre le détricotage de l'alliance avec Nissan", observe Jefferies.

Luca de Meo quittera officiellement son poste le 15 juillet. En avant-marché, l’action Renault est annoncé ce lundi à la baisse, ce qui n’entache pas le rebond du groupe sur les marchés sous l’air de Meo. Depuis le 1er juillet 2020, Renault a en effet vu son cours quasiment doublé: ce dernier est ainsi passé de 22,6 euros contre 43 euros. En mars, le cours dépassait même les 50 euros.

"Son enthousiasme nous manquera. Nous lui attribuons le mérite d'avoir redonné de la 'couleur', de l'énergie et des résultats optimaux à Renault après des années de produits et de résultats financiers médiocres", tranche Philippe Houchois de Jefferies, dans une note publiée dimanche soir.

Pauline Ducamp avec Julien Marion