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Renault réfléchit à une nouvelle alliance, il a même songé à sauver Nissan

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Le constructeur français a envisagé de recapitaliser son partenaire japonais Nissan en début d’année. Renault multiplie les réflexions stratégiques pour résister à la concurrence chinoise.

Tout s’est passé en quelques semaines, dans l’urgence de la crise. Au mois de janvier, Renault a étudié une opération stratégique d’envergure auprès de Nissan. Le constructeur japonais traversait une crise majeure. Après avoir annoncé 500 millions d’euros de pertes et 9.000 suppressions d’emplois (ce sera finalement 20.000), son rival Honda tentait de le racheter. Renault a alors été approché pour envisager une recapitalisation de Nissan, selon plusieurs sources proches du groupe.

Selon nos informations, ce sauvetage a été évoqué par le conseil d’administration de Renault, qui n’a pas donné suite. L’aide du constructeur français serait intervenue aux côtés d’autres investisseurs qui étaient à l’origine de ce scénario, précise un proche du groupe. Elle a en tout cas été "considérée" par le président de Renault, selon plusieurs sources proches du groupe. "Nous sommes des amis de Nissan, nous les soutiendrons", avait d’ailleurs déclaré Jean-Dominique Senard sur BFM Business, le 10 mars dernier, la veille de la nomination du nouveau patron de Nissan, Ivan Espinosa.

L’État français, qui détient 15% de Renault, n’était "pas très favorable" à cette option, assure une source proche du dossier. "Nissan est le principal partenaire de Renault et nous suivons de manière constante sa situation", se borne à répondre Bercy. Contacté, Renault n’a pas souhaité commenter et Nissan n'a pas répondu à nos sollicitations.

De Meo préfère Geely à Nissan

Ce retour en force de Renault n’a, en revanche, pas atterri sur le bureau de son directeur général qui n’en voulait pas. "Le conseil fait des revues de la situation de Nissan mais il n’a jamais été question d’un projet de recapitalisation", tranche l’entourage de Luca de Meo.

"Il veut lâcher Nissan et accélérer avec le chinois Geely", assurent plusieurs sources proches de Renault.

Sa ligne l’a emporté puisque, fin mars, le détricotage de l’Alliance a franchi une nouvelle étape. Renault et Nissan ont annoncé vouloir abaisser leurs participations croisées de 15% à 10%. Le sauvetage de Nissan était pour le moins étonnant, à contre-courant de la fin progressive de l’Alliance.

"Nissan est dans une situation critique, décrypte un bon connaisseur. Renault était une alternative à Honda."

Début février, le constructeur japonais a refusé de se vendre à son rival japonais Honda. Renault, qui dispose encore d’un tiers des votes de Nissan pour les décisions stratégiques, a d’ailleurs pesé dans cette décision. "Ce n’était pas convenable pour Renault", avait lâché son président, Jean-Dominique Senard, sur BFM Business.

Fusions, partenariats… Renault multiplie les réflexions

Cet épisode illustre à quel point le constructeur français multiplie les réflexions stratégiques sur son avenir. Redressé, Renault doit désormais faire face à la rivalité des constructeurs chinois dans les véhicules électriques. Le constructeur français est trop petit avec ses 2,3 millions de véhicules vendus en 2024, deux fois moins que Stellantis et BYD.

"Le groupe réfléchit à plusieurs options dans un spectre très large, allants de scénarios de fusions aux partenariats, assène un banquier historique du groupe. Il est conscient qu’une consolidation est désormais nécessaire."

Le volet industriel consiste à renforcer Renault comme opérateur de plateformes partagées avec d’autres constructeurs en Europe pour dégager des synergies et rester compétitif. Ce qu’il fait avec Nissan pourrait être élargi à d’autres. Quelques noms circulent comme Ford Europe ou encore Stellantis dont les marques européennes sont jugées trop nombreuses par les investisseurs. Il se murmure d’ailleurs que le directeur général de Renault, Luca de Meo, lorgne les marques italiennes Lancia et Alfa Romeo, détenues par son rival.

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Enfin il est question de Volvo qui, lui aussi, souffre de sa taille. Le constructeur suédois est détenu par le chinois Geely, lui-même triple partenaire de Renault dans les véhicule thermique (Horse), l’ingénierie et au Brésil. "La direction et le conseil d’administration de Renault sont alignés pour accélérer le partenariat avec Geely", assure l’entourage du constructeur.

Jusqu’à un adossement? Difficile pour l’heure d’imaginer que le constructeur chinois remplace Nissan comme partenaire de Renault. L’État, qui détient 15% de son capital, n’y semble pas prêt.

"Nous ne sommes pas hostiles à un partenaire de référence pour Renault mais il ne faut pas sauter les étapes: pour le moment c’est Nissan", tranche une source proche des pouvoirs publics.

L'État veut éviter de se retrouver seul actionnaire du constructeur en cas de difficulté. Pas question de lâcher Nissan tant que Renault n’aura pas trouvé de nouveau partenaire.

Matthieu Pechberty et Justine Vassogne