Une moyenne "de 6 à 10 ventes par jour" seulement: les guichets des gares SNCF continuent à disparaitre des petites gares un peu partout en France

Les guichets avec présence humaine dans les petites gares disparaissent les uns après les autres. Ce mouvement, opéré par les régions en tant qu'autorités organisatrices des TER et la SNCF, a été initié depuis quelques années et semble s'accélérer. La justification mise en avant est généralement la même: ils sont trop peu fréquentés et coûtent donc trop chers à maintenir.
Dernier épisode en date: la Région Sud où, selon la CGT Cheminots, "la casse organisée des services publics" est à l'oeuvre. L'organisation souligne que Renaud Muselier, le président de la région, a "exigé de la SNCF la fermeture massive des guichets de vente et la présence des cheminots dans la gare". Dans un tract, il est mentionné que 26 petites gares de la région seront progressivement dépourvues de guichets avec présence humaine à partir de ce mois de septembre.
"Des titres de TER pourront être achetés dans 26 bureaux de Poste situés dans des communes équipées d'une gare mais dépourvues de guichet ou à amplitude limitée".
Interrogé, le service de communication de la Région Sud n'a pas retourné nos demandes de confirmation et de détails.
"Très faible flux quotidien"
En janvier prochain, ce sont les guichets de 13 gares dans le Grand Est qui seront fermés. Jusqu'à présent, les horaires de présence des agents avaient déjà été réduits. Seize autres dont celles de Mulhouse et Reims réduiront leurs horaires ou le nombre de guichets ouverts. La Région explique avoir observé "une baisse d'année en année du nombre de tickets vendus" en gare: 31% de ventes de billets TER au guichet en 2019 contre seulement 11% en 2024. Dans ces 13 guichets, une moyenne "de 6 à 10 ventes par jour" est réalisée, soit "un très faible flux au quotidien".
"Le revenu annuel qu’ils génèrent se monte à 8.000 euros alors que nous versons 200.000 euros par guichet en service et par an à la SNCF", indique Thibaud Philipps, vice-président de région chargé des transports aux DNA.
Seuls 28% des titres TER dans le Grand Est sont achetés en gare (11% au guichet, 17% sur les bornes), et le reste en ligne ou sur l'application SNCF Connect. "Il s’agit de s’adapter au changement de pratique des usagers qui achètent de plus en plus leurs billets en ligne, et ainsi faire des économies", ajoute le responsable.
En Hauts-de-France, une quarantaine de suppressions de postes de vendeurs/ses et de la non-reconduction de l’ensemble des contrats d’intérimaires serait en cours. Les syndicats évoquent "la suppression de plus de 80 emplois". En Nouvelle-Aquitaine, les guichets des gares de Royan, Cognac et Saintes seraient également menacés.
Les régions et la SNCF rappellent que d'autres solutions que le guichet existent pour acheter un billet avant de monter dans un train, notamment "les canaux de vente digitaux, les automates en gare, les ventes chez des partenaires (buralistes, commerces…), les guichets mobiles, la vente par téléphone". La compagnie ferroviaire souligne que 96% des voyageurs de TER bénéficient d’une solution de distribution (guichet ou distributeur) dans la gare qu’ils empruntent, et qu'elle ne décide pas seule de la présence ou non de guichets, "c’est le fruit d’un travail main dans la main avec chaque région".
Un paradoxe alors que la fréquentation des TER est en hausse
Pour autant, ces disparitions programmées émeuvent, notamment auprès des clients âgés, peu à l'aise avec les solutions numériques. Cette approche ulcère également les syndicats de cheminots. La CGT souligne que "la population dit unanimement stop" face à la disparition "de ce bien commun indispensable pour maintenir un lien social". "La CGT cheminots a toujours revendiqué la nécessité de réhumanisation des gares et la remise en place des guichets avec des cheminots seul à même de rendre le service que les usagers se sont vus spoliés".
Sud Rail de son côté explique que "cela fait des années que les guichets de proximité sont sacrifiés sur l’autel budgétaire alors qu’ils sont un maillon essentiel de la cohésion des territoires".
Et s'étonne d'un paradoxe: "alors que la fréquentation TER, dans les trains et dans les gares, a augmenté de 10% entre 2023 et 2024, la direction SNCF et les Autorités Organisatrices veulent continuer à détruire le service public ferroviaire".
Pour le syndicat, ce mouvement de fermetures est la conséquence de l'ouverture à la concurrence des lignes de TER (effective dans le sud-est avec Transdev entre Marseille et Nice). "Les gains de productivité imposés dans les nouvelles conventions TER et dans les appels d’offres, ciblent prioritairement la vente physique. Pour les dirigeants, ce n’est pas "le cœur de métier" ferroviaire, ainsi ces missions sont facilement transférables dans des bureaux de poste, des espaces multimodaux".
"Les Autorités Organisatrices deviennent les propriétaires des canaux de distribution. En s’appuyant sur la politique de la SNCF de ces dernières années, favorisant l’essor digital, elles mettent en place des systèmes de distribution exclusivement numériques", regrette l'organisation syndicale.