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Un "manque cruel de vision": le secteur aérien vent debout contre le milliard d’euros de taxes supplémentaires

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La filière estime que ces hausses auront des "effets dévastateurs" avec notamment la disparition de lignes régionales.

Le secteur du transport aérien français est toujours sous le choc des mesures inscrites dans le projet de loi de finances pour 2025. En quête de nouvelles recettes, le gouvernement propose ainsi le triplement du produit de la taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA), qui est aujourd’hui de 460 millions d’euros, et une hausse de la taxation sur les billets business, long-courrier, et sur l’aviation d’affaires. Soit un total potentiel d'un milliard d'euros par an de ponctions supplémentaires.

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Lors d'une conférence de presse ce lundi, la Fnam (Fédération nationale de l'aérien et de ses métiers) et l’Union des Aéroports Français (UAF) ont fait bloc pour dénoncer cette perspective dont les "effets dévastateurs" seront nombreux, notamment en termes de compétitivité.

Pas d'étude d'impact

Le secteur "est en passe de devenir le plus taxé d’Europe et s’atrophie chaque année en perdant un point de part de marché. La part de marché (en nombre de passagers) des compagnies aériennes françaises est ainsi passée de 60% à 38% au cours des vingt dernières années". "La proposition de hausse d’un milliard d’euros par an de la fiscalité sur le transport aérien s’appuie sur une analyse partielle et partiale. Les hausses envisagées auront un impact majeur sur un pavillon français sorti très fragilisé de la crise COVID et sont susceptibles de conduire à la disparition de pans entiers du transport aérien français dont l’aviation générale et d’affaires", poursuit la filière.

"Sans étude d’impact économique, cette nouvelle taxation pourrait entraîner la fermeture de certaines lignes régionales, une évasion du trafic vers des hubs étrangers et affecterait particulièrement les lignes d’Outre-mer", souligne Pascal de Izaguirre, président de la Fnam et PDG de Corsair.

"Nous sommes unis pour manifester notre désaccord sur la situation et la destruction de valeur sur notre secteur comme sur tant d’autres qui en découlent", ajoute Thomas Juin, à la tête de l’Union des aéroports français (UAF).

Ecologiquement contre-productif

Dans le même temps, la filière ne voit pas comment le prix des billets d'avion ne pourraient pas (encore plus) augmenter. "La hausse des prix des billets d’avions en France, au-delà de l’affaiblissement des compagnies basées en France par rapport aux compagnies concurrentes largement exemptées de toute forme de réglementation environnementale, pénalisera en particulier l’attractivité de la destination France pour la clientèle d’affaires et de tourisme internationale", peut-on lire dans un communiqué.

Outre le volet tarifaire, la hausse de la taxation sera écologiquement contre-productive puisque "face à l’augmentation du prix des billets d’avion en France, les voyageurs privilégieront les correspondances, les hubs étrangers n’hésitant pas à allonger leur parcours de vol et donc augmenter les taux d’émission de CO2", ajoute Pascal de Izaguirre.

"Le transport aérien ne peut supporter à lui-seul plus de la moitié de la fiscalité 'verte' supplémentaire portant sur les entreprises dans le projet de loi de Finances 2025 d’autant que ces sommes ne sont nullement réinvesties dans la décarbonation du secteur", se désole le secteur.

"Nous, acteurs clés du secteur aéronautique, appelons à une concertation réelle sur le bien-fondé et les conséquences de cette nouvelle taxe de l’aérien, à un travail collaboratif avec l’État et à un fléchage des revenus perçus vers la transition écologie de notre secteur", résume Pascal de Izaguirre.

De lourds investissements pour se verdir

Il faut dire que l'aérien français estime déjà faire beaucoup pour verdir ses opérations et ces lourds investissements auront également des conséquences sur le prix des billets et donc sur la compétitivité du pavillon français. La modernisation de la flotte avec des avions plus sobres se chiffre à 1 milliard d'euros pour 2025 et pas moins de 3 milliards d'euros pour 2030.

Les carburants d'aviation durables constituent le second levier principal de la décarbonation, essentiellement pour les avions longs courriers qui sont les principaux émetteurs de gaz à effets de serre. Mais en Europe, les SAF sont encore trois à cinq fois plus chers que le kérosène. Pour une compagnie comme Air France, les investissements se montent déjà à 500 millions d'euros jusqu'en 2030.

Rappelons que le secteur doit être neutre en émission de CO2 (c'est à dire tomber à 0%) en 2050 ont décidé les 193 Etats de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), une agence de l'ONU.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business