TOUT COMPRENDRE – L’avion autonome, futur de l’aérien?

Se dérouter, atterrir, puis cheminer jusqu’à sa porte sans intervention humaine. En janvier, Airbus a dévoilé Dragonfly, son démonstrateur d’avion autonome, conçu par sa division innovation Airbus Upnext. Actuellement en phase de tests à Toulouse –au sol mais aussi en vol– ce démonstrateur installé dans un Airbus A350-1000 pourrait déboucher sur des aides plus poussées que l’actuel pilotage automatique. À l’image des aides à la conduite qui assistent de plus en plus souvent les conducteurs dans les voitures modernes.
• Qu’est-ce qu’un avion autonome?
En théorie, il s’agit d’un avion qui peut fonctionner sans aucune intervention humaine et modifier seul son itinéraire en cas d’urgence. Il est ainsi capable de trouver une piste d’atterrissage, puis d’atterrir seul, pour ensuite se déplacer en mode taxi sur les pistes sans intervention humaine. C’est ici que se situe le saut technologique par rapport au pilotage automatique.
• Quelle différence avec le pilotage automatique?
Aujourd’hui, le pilotage automatique peut être activé pendant tout le voyage de A à Z sur les avions de ligne si aucune modification ne doit être apportée sur la feuille de route du vol. Il maintient les paramètres de vitesse, d’altitude et de direction fournis. Dans un avion entièrement autonome, la machine sera elle-même capable de "réfléchir" pour proposer la meilleure solution possible au pilote en cas de problème – par exemple, en cas d'évènement météo qui demande un déroutage.
"L’idée est de développer des assistances au pilotage pour faciliter la tâche [des pilotes, NDLR] d’une part dans les phases de taxi qui sont des phases très chargées et sur des opérations délicates qui sont les déroutements", explique dans En Route pour Demain Isabelle Lacaze, directrice du programme Dragonfly chez Airbus UpNext.
Dans les cas les plus extrêmes, la machine pourra même prendre des décisions, seule, en cas d’urgence pour dérouter l’avion et l’obliger à atterrir par exemple.
Après de multiples tests en simulateur, le système Dragonfly d’Airbus a effectué un vol en conditions réelles il y a quelques semaines. "Nous sommes en vol tranquille en croisière, un moteur s’éteint, que faisons-nous? Quelle trajectoire allons-nous prendre pour aller à tel endroit?, nous explique Philippe Foucault, ingénieur navigant d’essai chez Airbus. Dragonfly est un outil qui permet de proposer des solutions, validées par des logiciels extrêmement sophistiqués pour prendre en compte un ensemble d’éléments sur l’environnement -la météorologie, l’environnement sur les différents terrains possibles d’atterrissage– et qui vont permettre de proposer aux pilotes la meilleure solution. Aux pilotes ensuite de décider laquelle choisir".
Lors du vol d’essai entre Limoges et Lyon, le démonstrateur a ainsi informé le trafic aérien de l’incapacité du pilote grâce à une voix synthétique, puis a changé d’itinéraire et sauvé l’avion.
"Mon rôle était de continuer à surveiller, à voir que tout se passait bien, de coordonner avec les contrôleurs que tout allait bien", nous explique Sylvain Guiraud, pilote d’essai Airbus.
• Avec quelles technologies?
Dragonfly a été installé sur un Airbus A350-1000 bardé de capteurs. Des caméras, des caméras infrarouges pour voir quand les conditions météo sont dégradées, ont été placées sur le nez. Des algorithmes de traitement d’images vont permettre aussi de détecter la piste d’atterrissage, de maintenir l’avion sur la piste.
"Nous avons développé une carte aéroportuaire qui peut ainsi dire au pilote la trajectoire à suivre en fonction des autorisations données par le contrôle aérien, ce qui nécessite de la reconnaissance vocale – on sait reconnaître ce que dit le contrôleur aérien et on sait l’interpréter, le retranscrire en termes de route", poursuit Isabelle Lacaze.
Airbus a aussi développé des assistants sur la gestion de la poussée moteur et du freinage pour "maintenir la vitesse tout au long de la distance du taxiway".
"Et quitte à avoir des caméras, nous avons aussi développé un certain nombre d’assistances de surveillance pour éviter des collisions, collisions dans les phases de parking" par exemple avec les ailes des avions, des véhicules de refueling, poursuit Isabelle Lacaze.
• Ces technologies vont-elles remplacer les pilotes?
Ce n’est absolument pas le projet d’Airbus, qui a conçu son démonstrateur sur le modèle classique sur les vols commerciaux: deux pilotes en cabine. "Nous travaillons sur des cockpits conventionnels avec deux pilotes à bord, confirme Isabelle Lacaze. Nous travaillions vraiment sur des assistances au pilotage pour leur faciliter la tâche d’une part pendant les phases de taxi qui sont des phases très chargées et d’autre part sur les opérations de pilotage un peu délicates qui sont des déroutements".
• Quand ces technologies arriveront-elles dans les avions?
Le démonstrateur Dragonfly devrait être prêt au printemps. Airbus n’a pas encore donné de calendrier précis pour l’arrivée en série de ces technologies.
"Ces briques technologiques vont être progressivement intégrées sur les avions de ligne pour améliorer la sécurité et bien sûr, il va falloir faire évoluer la réglementation", nous explique Julien Joly, expert Energy, utilities and transports au cabinet Wavestone.
"Le frein n’est aujourd’hui pas tant technologique que réglementaire et culturel, il va falloir transformer, certifier ces nouvelles technologies et que les gens les acceptent aussi, poursuit l'expert. Il y a là beaucoup de pédagogie à faire auprès des voyageurs".