TGV M, Oxygène, RER… Le gouvernement lance une mission pour comprendre les retards de livraison en série

Les commandes s'accumulent, les retards de livraison aussi. Comme dans l'aérien, les opérateurs ferroviaires se désespèrent de recevoir des trains neufs commandés il y a plusieurs années alors que la demande pour le train n'a jamais été aussi forte. De quoi créer de la frustration tant du côté des compagnies que des clients.
TGV M, rames Oxygène, TER, RER… Les exemples sont nombreux et les retards se comptent en années. Face à cette situation, les ministres de l'Industrie et des Transports lancent une mission, révèlent nos confrères de Ville, Rail et Transports.
Cette mission a été confiée à trois experts: Yves Ramette, ancien directeur général de SNCF Réseau Île-de-France, Christian Dugué, un ancien de Naval Group et la Direction générale de l'armement et François Feugier, consultant, ancien de Safran et Renault.
"La présente mission se concentrera sur le marché des matériels roulants passagers au regard des retards observés régulièrement dans la mise en oeuvre de grands contrats de fourniture des trains", écrivent Marc Ferracci et Philippe Tabarot, les deux ministres.
Il s'agit "d’analyser dans chaque cas les raisons qui ont conduit au choix initial des matériels et de leurs caractéristiques, au lancement du programme ainsi que les causes des retards et surcoûts survenus".
Les conclusions sont attendues en juillet. En attendant, voici un petit rappel des retards les plus emblématiques.
TGV M
Commandés en 2018 à Alstom, les premiers exemplaires du nouveau TGV de SNCF Voyageurs devaient commencer à circuler commercialement fin 2023-début 2024, puis pour le second semestre de cette année, puis pour cet hiver, mais ne sont finalement pas prévues avant début 2026.
Pour se justifier, Alstom met en avant le fait de partir d'une feuille blanche, la crise sanitaire du Covid, les problèmes dans la chaîne d'approvisionnement, les difficultés autour du "greffon" (une sorte de batterie électrique), les longs tests à mener qui révèlent des problèmes techniques, et les homologations à obtenir, elles aussi soumises à de longs délais.
Ces importants retards ont généré le paiement de "pénalités au maximum" par Alstom à SNCF Voyageurs, son client.
Trains Oxygène (Paris-Toulouse et Paris-Clermont Ferrand)
Ces deux lignes qui cumulent d'importants dysfonctionnements sont financées par l'État. En 2019, ce dernier a passé commande pour 700 millions d'euros auprès du constructeur espagnol CAF de 28 nouvelles rames baptisées Oxygène. Prévues en 2024, les premières commenceront finalement à circuler au 1er trimestre 2027.
CAF met en avant une accumulation de retards et problèmes. "Nous avons commencé à travailler avec la SNCF en 2019 et quelques mois après le Covid arrive. Pendant toute la période du confinement, ça a été compliqué, on a dû travailler autrement, on a pris du retard", explique Laurent Caseau, directeur commercial chez CAF.
"Quand la situation s'est décantée, on a dû faire face à des pénuries de matière première, d'aluminium, d'acier mais aussi de composants électroniques, ce qui a entraîné une deuxième vague de retard", poursuit-il.
"Ensuite, les premiers essais ont révélé un certain nombre de problèmes. Il a fallu réorganiser tout le planning d'essai. Cela nous a coûté un an supplémentaire", détaille Nicolas Guinault, responsable technique chez CAF. Le constructeur assure que ces problèmes sont réglés et qu'il tiendra son calendrier.
RER B
2025, 2026, janvier puis finalement juin 2027… La livraison des nouveaux trains MI20, destinés au très fréquenté RER B, cumulent les retards.
Ce contrat de 2,56 milliards d'euros, pour 146 trains, avait été attribué en janvier 2021 par la RATP et SNCF Voyageurs à un consortium associant le constructeur espagnol CAF et le canadien Bombardier Transport, qui, depuis, a été absorbé par Alstom. La réalisation opérationnelle de ce rachat a plombé la production car Alstom a d'abord remis en cause les conditions du contrat signé par le constructeur canadien.
L'industriel a ensuite fait face à des problèmes techniques puis à l’entrée en vigueur, en 2024, d’une nouvelle directive européenne qui impose une nouvelle l’homologation des véhicules ferroviaires, soit un crash-test avec un camion sur passage à niveau.
"On marche sur la tête! Dans les transports, il faut en finir avec les normes européennes ubuesques", avait alors fustigé Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France.