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Taxe dans l'aérien: Easyjet "n'a pas peur pour son activité mais pour l'attractivité des régions"

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Bertrand Godinot, directeur général d'Easyjet France, explique à BFM Business que la compagnie pourrait réallouer ses capacités sur d'autres routes en fonction de l'impact du triplement de la taxe de solidarité sur les billets d’avion.

Easyjet se porte très bien. Pour son année fiscale (en exercice décalé), la compagnie aérienne affiche 730 millions d’euros de bénéfices avant impôts (+34%) et un nombre de passagers en hausse de 7% sur un an. Sa diversification -réalisée avec Easyjet Hollydays qui propose des packs avion+hôtel- est un succès avec un bénéfice qui bondit de 56% sur un an et qui représente désormais presque un tiers des profits annuels.

"Notre stratégie fonctionne", se félicite auprès de BFM Business, Bertrand Godinot, directeur général d'Easyjet France.

Pour autant, quelques nuages assombrissent l'horizon du numéro deux français derrière Air France. Comme pour les autres compagnies, le trafic domestique se replie doucement mais sûrement depuis plusieurs années. "Les destinations desservies par le train baissent et c'est logique, sur le transversal, où l'offre ferroviaire est plus compliquée, ça se maintient bien", poursuit le dirigeant.

Mais la perspective du triplement de la taxe de solidarité sur les billets d’avion inscrite dans le Budget 2025 inquiète.

Un report des vols vers l'international?

"Il y a une sensibilité au prix et les vols domestiques vont être les premiers touchés. Ce qu'on craint, c'est un report vers des vols plus internationaux car la hausse de la taxe sera proportionnellement moins élevée, notamment parce que le vol retour (qui ne part pas de la France, NDLR) n'est pas soumis à cette taxe. Une famille qui veut voyager cherchera le meilleur compromis", explique Bertrand Godinot qui dénonce "une accumulation de taxes".

Contrairement à Ryanair qui menace de réduire la voilure de 50% en France, Easyjet n'agite pas (encore) le spectre des fermetures.

Reste que la compagnie a annoncé sa volonté de fermer sa base de Toulouse, justement à cause de la baisse du trafic domestique. Et ne s'interdit pas de s'adapter à la situation: "on verra bien ce que les passagers décident et on adaptera nos capacités, on réallouera de la capacité sur d'autres régions".

Inscrit dans un modèle contraint qui exige le remplissage optimal des avions, Easyjet n'a jamais hésité à arrêter une liaison qui n'est pas rentable.

La ligne d'attaque de la compagnie est plutôt de jouer la carte de l'attractivité. "On n'a pas peur pour notre activité mais pour l'attractivité et la connectivité des régions si les Français ou les Anglais préfèrent aller ailleurs", souligne le directeur général qui rappelle que la compagnie est numéro une pour desservir les régions.

En attendant de voir les conséquences du triplement de cette taxe (qui n'a pas encore été adoptée et qui n'est pas appliquée proactivement comme chez Air France), Easyjet cherche à optimiser ses coûts à travers le renouvellement de sa flotte.

Le casse-tête de la pénurie d'avions neufs

Comme la plupart des compagnies, elle est confrontée à une pénurie d'appareils neufs suite à des problèmes de production et de sous-traitance chez les avionneurs. Etant 100% Airbus, elle est moins pénalisée que Ryanair 100% Boeing.

Néanmoins, les 300 appareils en commande sont livrés au compte-goutte car chez Airbus aussi ça coince.

"Ca devrait accélérer dans les prochaines années mais c'est vrai qu'on aimerait que ça aille plus vite, mais malgré un niveau de livraison inférieur à ce qu'on voudrait, nos résultats sont solides", juge Bertrand Godinot.

Les clients de Boeing et Airbus ont pourtant bien du revoir leurs capacités ou leurs objectifs de trafic à la baisse. "C’est frustrant pour les directeurs généraux de compagnies aériennes et cela a un gros impact", a ainsi déclaré Willie Walsh, le patron de la Iata, le lobby international des compagnies aériennes.

Outre l'optimisation de son réseau, Easyjet a fait le choix (comme d'autres) d'"allonger la vie des avions".

Ce qui a un coût très élevé puisque ces appareils consomment 20 à 30% de plus de kérosène et sont plus chers à entretenir.

Or, le modèle low cost exige de faire voler des avions récents, de faire voler le même modèle (ou au moins la même famille) et de réduire au maximum les arrêts au sol pour réduire les coûts opérationnels. Pas sûr que cette situation avec des appareils plus anciens à maintenir soit des plus confortables pour la compagnie britannique.

Pratiques abusives: Easyjet conteste

Il y a quelques jours, le gouvernement espagnol a infligé une amende globale de 179 millions d'euros aux compagnies aériennes low-cost Ryanair, Vueling, Easyjet (29 millions), Volotea et Norwegian, accusées de pratiques abusives, notamment dans la facturation des bagages à main des passagers.

"Les gens doivent avoir le choix, on va faire appel et on est confiant pour la suite", indique Bertrand Godinot, directeur général d'Easyjet France.

"Nous sommes transparents tout au long du processus d'achat. Si le bagage était intégré au prix du billet, les gens qui voyagent avec peu de bagages seraient impactés. Il faut pouvoir avoir le choix pour payer le juste prix. Et sur cette question, Easyjet est très transparente", assure-t-il.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business