Pourquoi l'Europe creuse le tunnel ferroviaire le plus long du monde

Long de 64 km, le tunnel de base du Brenner est creusé sous les Alpes, à la frontière entre l'Italie et l'Autriche. - Société BBT (tunnel de base du Brenner)
Le continent européen est le théâtre d'une compétition "amicale" en matière de tunnel ferroviaire hors-norme. Alors qu'en Suisse, dans l'actuel plus long tunnel ferroviaire du monde (57 km sous le massif du Saint-Gothard), le premier train à grande vitesse pour voyageurs a été testé au début du mois d'avril, plus à l'est, à la frontière entre l'Italie et l'Autriche, les tunneliers s'activent pour creuser un autre gigantesque tunnel ferroviaire.
Long de 64 km, le tunnel de base du Brenner doit relier la capitale du Tyrol autrichien, Innsbruck à la ville de Fortezza (Haut-Adige) dans le nord de l'Italie. Lorsqu'il sera achevé en 2025, il détrônera le Gothard, inauguré mi-2016 et qui, sauf retard, sera resté le plus long du monde pendant moins de dix ans.
Le projet de ferroutage austro-italien, dont le chantier a débuté en 2011, doit permettre de réduire le trafic des poids lourds circulant entre l'Autriche et l'Italie par une autoroute à péage, via le col du Brenner (1372 m). Ce passage a toujours été un couloir de transport d'importance cruciale pour l'Europe, en raison de sa faible altitude dans cette zone de haute montagne.
Tripler le nombre de poids lourds convoyés en ferroutage
Le tunnel du Brenner permettra à terme de multiplier par trois les capacités de transport par le rail sur cet axe: 1,8 million de poids lourds au lieu des 600.000 embarqués aujourd'hui sur des trains circulant sur une voie ferrée à ciel ouvert, lente et sinueuse. Le gain en temps sera énorme: les 64 kilomètres du tunnel seront parcourus en 50 minutes en moyenne, contre deux heures aujourd'hui par la voie ferrée actuelle. Pour l'Autriche, l'enjeu consiste, par ce moyen, à enrayer l'invasion des poids lourds sur son territoire qui sert de zone de transit pour le fret routier du continent européen.

Sa réalisation doit coûter 8 milliards d'euros, financés à hauteur d'un tiers par l'Union européenne, le reste l'étant par l'Italie et l'Autriche, sur fonds publics.
Cet ambitieux projet d'infrastructure devrait constituer le point d'orgue d'un axe ferroviaire longitudinal jugé prioritaire par l'Union européenne. Les enjeux: faciliter les échanges entre la Scandinavie et le sud de l'Italie en passant par l'Allemagne et l'Autriche et développer le ferroutage dans l'UE en décongestionnant les autoroutes soumises à une croissance inexorable du trafic de poids lourds.
Situé sur l'axe Berlin-Naples, le futur tunnel austro-italien devra toutefois convaincre les poids lourds de moins utiliser le tunnel ferroviaire suisse du Gothard. Mais la Suisse n'étant pas dans l'UE, Bruxelles veut aussi proposer aux transporteurs routiers un corridor ferroviaire de transit reliant l'Europe du nord au sud, sans être tributaire d'un État qui n'en est pas membre.