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Paris-Londres sous la Manche: les chemins de fer italiens veulent également concurrencer Eurostar

LeTunnel sous la Manche.

LeTunnel sous la Manche. - Philippe Huguen - AFP

La compagnie nationale Ferrovie dello Stato prévoit un milliard d'euros d'investissements et évoque un partenariat avec Evolyn, un autre acteur qui souhaite également concurrencer Eurostar, pour se lancer en 2029.

Et un de plus. Une cinquième entreprise annonce son intention de proposer une liaison ferroviaire dans le tunnel sous la Manche et ainsi concurrencer Eurostar, pour le moment en situation de monopole entre Paris et Londres.

Cette fois, c'est un acteur historique du rail, l'italien Ferrovie dello Stato (FS) qui affiche ses ambitions: relier "Londres à Paris en 2029" avec "des rames inspirées du Frecciarossa", le train à grande vitesse qui circule sur le réseau à grande vitesse italien et en France entre Paris, Lyon et Milan sous la marque Trenitalia.

"Avec un investissement prévu d’un milliard d'euros, la nouvelle liaison s'inscrit dans les objectifs du Plan stratégique 2025-2029, qui place l'extension des liaisons à haute vitesse en Europe parmi les priorités du Groupe FS", peut-on lire dans un communiqué.

Partenariat avec Evolyn

"En renforçant notre présence sur les corridors clés, nous investissons non seulement dans l'infrastructure et l'innovation, mais aussi dans l'avenir des transports européens. Une concurrence accrue contribuera à créer un secteur plus efficace et plus orienté vers le client, offrant une véritable alternative au transport aérien", commente Stefano Antonio Donnarumma, administrateur délégué et directeur général du Groupe FS.

Point intéressant, FS envisage un partenariat avec Evolyn, un autre acteur qui souhaite également concurrencer Eurostar. "Un protocole d’accord a été signé entre le Groupe FS et le consortium espagnol Evolyn, possédant une solide expérience dans la gestion et l'expansion de projets de mobilité, afin de renforcer davantage le projet de leadership dans le secteur des trains à grande vitesse en Europe", peut-on encore lire.

Ce consortium piloté par Mobico (ex-British National Express), un transporteur britannique dont la famille espagnole Cosmen est le principal actionnaire, avait annoncé en 2023 avoir commandé à Alstom 12 trains à grande vitesse afin de lancer d'ici à 2026 un service commercial. Sauf que 24 heures après cette annonce, Alstom démentait toute commande et même tout contrat.

Difficile de savoir ce que FS et Evolyn veulent mettre en place, les détails de l'accord n'ayant pas été révélés.

Gemini, Virgin, Heuro…

Une chose est sûre, Getlink, le gestionnaire du tunnel veut plus de concurrence dans le tunnel sous la Manche et offre même 50 millions d’euros à tout nouvel opérateur ouvrant une liaison ferroviaire.

Les marques d'intérêt se multiplient. Le britannique Gemini Trains planche sur une offre depuis deux ans et souhaite mettre en place des liaisons internationales depuis Londres.

Concrètement, la société a annoncé qu’elle souhaitait proposer des services entre Londres et Paris/Bruxelles dans un premier temps, "avec d’autres destinations passionnantes en cours de développement".

Virgin Group, le groupe du milliardaire britannique Richard Branson, a confirmé de son côté qu'il souhaite lancer son projet de services ferroviaires transmanche et compte lever 700 millions de livres, soit 834 millions d'euros, pour son projet.

L'entreprise prévoit de relier Londres à Paris et à Bruxelles, puis à Amsterdam. Elle vise un service à haute fréquence et un lancement en 2029. La presse britannique évoque une perspective d'achat par Virgin de 12 rames neuves pour 600 millions d'euros.

On peut également citer Heuro, une start-up néerlandaise qui a officiellement demandé des créneaux horaires entre Amsterdam et Londres afin de lancer un service en 2028 avec 15 trajets quotidiens.

Outre des capacités de circulation dans le tunnel augmentées, ces acteurs sont aujourd'hui confortés par un rapport du régulateur britannique confirmant "la possibilité d'accès au dépôt de maintenance de Temple Mills" occupé par Eurostar.

"Le dépôt londonien d'Eurostar serait en mesure d'accueillir des trains supplémentaires si nécessaire", avait écrit le 31 mars l'Office of Rail and Road (ORR), ouvrant donc la voie à l'arrivée de concurrents. Car jusqu'à présent, Eurostar soutenait que le centre ne pouvait pas accueillir plus de rames, de quoi constituer un important frein aux projets.

La question des trains neufs

Reste que la plupart ces acteurs risquent de se heurter à un obstacle de taille: la pénurie en trains neufs, qui seront longs à obtenir compte tenu de leurs spécificités techniques (pouvoir circuler à travers différents pays notamment). Et qui sont chers car ils doivent être capables de rouler à 300 km/h, une rame coûtant au bas mot 34 millions d'euros.

D'autant plus qu'Eurostar prévoit d’augmenter sa propre flotte de 50 nouveaux trains d'ici à 2030. Les nouvelles rames viendraient en partie remplacer celles devant être mises au rebut, vu leur ancienneté. Au total, ces potentielles acquisitions porteraient la flotte d'Eurostar à 67 trains, contre 51 actuellement.

Des rumeurs insistantes prêtent à Eurostar l'intention d'acquérir des trains à grande vitesse Avelia Horizon d'Alstom, soit la base du TGV M de la SNCF. Et il se murmure également que la filiale à 51% de la SNCF serait prioritaire chez Alstom qui croule sous les contrats, mais qui va augmenter ses capacités de production de trains à grande vitesse.

Mais FS disposerait d'un atout de taille. Selon le blog spécialisé CrossBorderRail, une partie de ses Frecciarossa fabriqués par Hitachi sont compatibles avec le tunnel sous la Manche et la ligne à grande vitesse côté Angleterre. De quoi se lancer bien plus rapidement et en faire un candidat très sérieux.

Olivier Chicheportiche Journaliste BFM Business