Il devait arriver pour les JO: le CDG Express entre Paris et Roissy aura finalement trois ans de retard, le trajet coûtera 24 euros et le bruit fait peur aux habitants

Sur le papier, le projet répond à un vrai besoin, celui de mieux relier l'aéroport parisien de Roissy-Charles de Gaulle au centre de Paris. Car aujourd'hui, pour rejoindre la capitale en transports en commun, il faut utiliser le très fréquenté RER B qui souffre de dysfonctionnements ou prendre un bus avec un temps de parcours assez long. Pas idéal pour les touristes...
L'Etat et la région Île-de-France ont donc décidé de construire une liaison ferroviaire directe depuis la Gare de l'Est. Le CDG Express faisait partie des nouvelles infrastructures de transport promises pour les JO d'été à Paris en 2024. Mais entre les recours juridiques, la crise du Covid, les retards dans les travaux et de nombreuses tergiversations politiques, le chantier a pris beaucoup de retard et le lancement n'aura finalement lieu qu'en mars 2027. Coût du projet: 2,7 milliards d'euros, financés par l'Etat et portés par le groupe ADP (Aéroports de Paris), SNCF Réseau et la Caisse des dépôts et consignations.
Concrètement, la liaison de 32 kilomètres reliera Paris au terminal 2 de l'aéroport en 20 minutes avec une fréquence toutes les 15 minutes, tous les jours de 5h du matin à minuit. Mais si plus de 80% des travaux sont achevés, le projet continue à susciter défiance et polémiques.

Des nuisances sonores pas prévues
La dernière d'entre elles concerne les nuisances sonores provoquées par les passages des trains qui rouleront à 140 km/h. En avril dernier, le maire PCF de La Courneuve dénonçait devant la presse le "fracas" sonore à travers une simulation audio. "Tous subiront le passage de ces trains toutes les sept minutes. Et comme vous pouvez le constater, un train à 140 km/h, cela fait du bruit. Beaucoup de bruit!", dénonçait-il, évoquant les conséquences de ces "150 trains par jour".
Avec d'autres maires de communes traversées par le CDG Express, Gilles Poux a interpellé l'Etat qui, selon Le Parisien, va lancer de nouvelles études d’impact. "Les nouvelles études consisteront à intégrer les dernières évolutions urbaines et à tenir compte des meilleures techniques de modélisation disponibles aujourd’hui", confirme auprès de nos confrères la préfecture de la région. Les conclusions sont attendues en 2026.
La préfecture se veut néanmoins rassurante, assurant que l’Etat s’est beaucoup impliqué avec ses partenaires pour financer des protections (comme des murs anti-bruits) au-delà de ce qu’impose la réglementation (73 décibels en journée et 68 décibels la nuit) et promet que des protections supplémentaires pour des logements près des voies seront installées. Insuffisant pour le maire de La Courneuve qui exige un mur antibruit sur 700 mètres de longueur pour protéger les riverains de sa commune.
Les usagers du RER B inquiets
Si le CDG Express a pour objectif de "soulager" le RER B qui est saturé, il emprunte également certaines de ses voies. Pour les associations d'usagers, le risque est de voir ses conditions de circulation encore se détériorer, de quoi dégrader un quotidien déjà difficile. Des usagers qui ont déjà été échaudés par les interruptions de service du RER... pour mener les travaux du CDG Express.
La région et les parties prenantes contestent cette crainte et assurent au contraire que la qualité de service du RER B va être améliorée.
"Le CDG Express, c'est aussi 537 millions d'euros dédiés à la modernisation des transports du quotidien (RER B, Transilien, TER)", peut-on lire sur la page Facebook du CDG Express. Et de citer le "remplacement et la modernisation des ponts, la rénovation des voies, des caténaires et de la signalisation, l'optimisation du réseau. Autant d'éléments qui permettront à l'infrastructure ferroviaire de gagner en fluidité et en fiabilité".
D'autant plus que le nombre de trains représentera une goutte d'eau dans le flux très important du RER B et que les touristes et leurs bagages qui choisiront le CDG Express permettront aux usagers du B d'avoir plus de place.
Un "train de riches" dépassé technologiquement?
Le prix du CDG Express, 24 euros par trajet (non inclus dans le pass Navigo), a également suscité la polémique (contre 13 euros aujourd'hui en RER), surtout en sachant qu'un taxi pour l'aéroport coûte entre 56 et 65 euros (prix fixes) et que l'on peut embarquer à plusieurs.
Pour David Belliard, adjoint Europe Écologie-Les Verts à la Mairie de Paris en charge des mobilités, ce CDG Express "c'est le train des riches versus les travailleurs pauvres".
Pour autant, l'équation économique est délicate compte tenu du coût du projet et des objectifs de fréquentation: 25.000 voyageurs par jour, soit 9 millions par an. La rentabilité n'est donc pas pour demain même si ADP assure que la vente de billets ne sera pas la seule source de financement.
Enfin, les détracteurs du CDG Express épinglent un choix technologique dépassé puisque contrairement aux nouvelles lignes du Grand Paris Express qui seront automatisées, les trains seront classiques, pilotés par des agents. Pourtant, l'automatisation a fait ses preuves en termes de fluidité et de fréquence et permet accessoirement de protéger les utilisateurs des mouvements de grève.
D'autant plus que, et c'est la cerise sur le gâteau pour ses opposants, la future ligne automatisée 17 du Grand Paris Express reliera également Paris (Saint-Denis Pleyel) à Roissy en 2030. Et elle sera mieux connectés au réseau métropolitain parisien. De quoi selon eux invalider la légitimité du CDG Express.
Sur France 3, Justine Coutard, directrice générale d'ADP balaie cette critique: "les deux lignes ont des vocations radicalement différentes. L'une, la 17, est dans une logique de desserte de proximité, la seconde est destinée prioritairement à nos passagers aériens comme on en a aujourd'hui depuis 20 ans dans les capitales européennes".